Est-il nécessaire d'évoquer le conflit entre nostalgie et lassitude qui me tiraille à l'écoute des premiers albums d'UNLEASHED ? Des premiers disques comme un collier de morceaux inscrits dans une époque, gravés dans le marbre de l'extrême du début des années 90. UNLEASHED qu'on a longtemps distingué de ses pairs par une imagerie viking héritée de son compatriote BATHORY, plus tard reprise par ENSLAVED puis par tous les artisans du viking metal. Les autres aimaient les monstres, le sang et les enfers. Mais cette particularité n'a jamais permis au consanguin d'ENTOMBED de connaître la gloire de son parent. Le début des années 90, c'était la brutalité de CANNIBAL CORPSE, la provocation de DEICIDE, la pesanteur de BOLT-THROWER, la finesse de DEATH ou ATHEIST, les horreurs d'OBITUARY, l'éclat sanguin de CARCASS, l'ésotérisme ultratechnique de MORBID ANGEL, la puissance de NAPALM DEATH… UNLEASHED ne s'est distingué que plus tard grâce à sa persévérance et sa droiture. Comme DISMEMBER, qui dispose aujourd'hui d'une fanbase plus que conséquente, le quatuor mené par le charismatique Johnny Hedlund, UNLEASHED a vu son autorité dans la communauté death grandir car il a toujours su garder le buste fier, que ses yeux n'ont jamais louché vers le punk, le thrash, le heavy ni l'électronique, qu'une seule et courte sieste de 5 ans entre "Warrior" et "Hell's Unleashed" a été incapable de nous faire croire qu'il comptait, comme tous les autres, quitter le navire.

Et pour cause, il ne l'a jamais quitté ni n'a jamais failli à la règle qu'il a toujours respectée à la lettre. UNLEASHED conduit un death metal lourd, aux riffs sautillants et à la production caverneuse. Qu'en est-il de "Shadows In The Deep" ?

Ce deuxième album, dans l'exacte lignée d'un premier effort remarqué, peut en 2008 poser sa candidature pour figurer au rang de classique. La production linéaire prête aujourd'hui à sourire ? Une technique éprouvée qui, en son temps, fit de nombreux adeptes. Enregistrez les musiciens dans leur exercice, montez les potards de volume à fond, accentuez les graves au maximum, creusez joliment les medium (vous avez raison, il s'agit de proposer une égalisation parfaitement inverse au black metal) puis posez sur la mixture un couvercle épais. Résultat, un son étouffé, à la puissance renfrognée qui nous interdit de distinguer clairement guitares, basse, batterie et chant, tous unis comme un seul homme afin de nous asséner des coups de marteau tendrement amorti. Ridicule ? Non, confortable et sympathique. Et le chant de Johnny Hedlund, sans caractère aucun, nous ravit de sa texture plate et sereine.

UNLEASHED, c'est également un mélange de riffs expulsés du thrash le plus saccadé et de ralentissements doom excessifs. La formule fonctionne. C'est quand il accélère le tempo au maximum qu'UNLEASHED est le moins intéressant ("A Life Beyond", "Never Ending hate"), c'est quand il joue la carte du mid-tempo option AC DC qu'il devient immédiatement convaincant ("The Immortals", "Shadows In The Deep", "Onward Into Countless Battles").
Et petit plus qui permet de classer cet opus parmi les réussites de son géniteur, la reprise simple et efficace de "Countess Bathory", pièce de choix de VENOM.

Un bon disque dont on comprend aisément les limites, voilà !