Comme tous les trois ans, Erik Rutan nous revient avec une nouvelle livraison de HATE ETERNAL. Mais contrairement aux velléités de conquête qui le caractérisaient sur ses trois premiers disques, le groupe floridien est de retour avec un album hommage. Non, pas un tribute, un deuil musical plutôt, celui de Jared Anderson, bassiste du combo sur ses deux premières œuvres, "frère spirituel" de Rutan, décédé en octobre 2006. Eh oui, les rois pleurent aussi et HATE ETERNAL ne fait pas exception à la règle. Voilà pour la petite histoire.

Comme d’habitude, c’est un groupe remanié qui est présent sur ce « Fury And Flames ». Déjà, Rutan a reformé un quatuor, comme sur son premier album. Shaune Kelley, ex-membre de RIPPING CORPSE, comme Rutan, devient le deuxième second guitariste de l’histoire de HATE ETERNAL, plus de huit ans après Doug Cerrito. Alex Webster (CANNIBAL CORPSE of corpse... euh, of course, et membre de ALAS, side-project de Rutan), et c’est un peu une surprise,, a intégré le groupe le temps de l’enregistrement de l’album pour y tenir la basse, en remplacement de Randy Piro. Last but not least, Derek Roddy a cédé sa place (snif…) au jeune Jade Simonetto à la batterie du combo. Un choix de Rutan après le départ unilatéral de Roddy. Voilà qui change pas mal de choses.

La musique maintenant. En guise d’oraison funèbre, Erik Rutan nous a promis, dès le titre, de la fureur et des flammes. Si les secondes ne sont présentes que par intermittence, le disque étant globalement moins flamboyant que ses prédécesseurs, la première (la fureur quoi, vous suivez bon sang ?) se taille une énorme part de gâteau. Furieux, ce skeud l’est assurément. Les deux premiers morceaux ne font absolument pas dans la dentelle. Extrêmement brutaux, ils font la part belle à l’extrême vélocité de Jade Simonetto, qui trouve totalement sa place dans le visage sombrissime dévoilé par HATE ETERNAL sur cet opus.

"Hell Envenom" est une déferlante sans le moindre temps mort, sans aucun doute l’un des titres les plus brutaux jamais composés par le groupe. Si Rutan voulait montrer sa colère, c’est réussi. Enfin dans l’intention, car dans les faits, ce morceau, tout comme le suivant, malgré son riff sournois derrière la section rythmique, oublie un peu ce qui faisait la personnalité de HATE ETERNAL : de la brutalité, certes, mais un sens du rythme surprenant et un riffing imprévisible, mélodique lorsque l’on ne s’y attend pas. Ici, tout ce que l’on garde, c’est la brutalité. Audible lorsque l’on est, comme moi, fan du combo, mais sans aucun doute indigeste pour 90% des autres amateurs de death metal.

Si Simonetto est la star de ces deux premiers morceaux, il rentre un peu dans le rang sur d’autres titres comme "Bringer Of Storms", sorte de marche pesante avec accélération progressive, ou la fougue du batteur prive ce morceau de la finesse qu’il aurait méritée. N’est pas Derek Roddy qui veut. Mais le garnement ne cherche pas forcément à ressembler à son prédécesseur. Il ose certaines choses, qui ne tiennent pas toujours toutes leurs promesses, comme les rythmes assez inhabituels de "Thus Salvation" et de "Fury Within", sur lesquels on semble toujours être à contretemps lorsqu’on tente de suivre.

A côté de ces titres, Rutan nous sert des morceaux "habituels", entendez par là sans surprise, même s’ils restent efficaces. Comme "Para Bellum", où l’on retrouve le sens de l’injonction vocale et du refrain guerrier du leader. Ou encore "Proclamation Of The Damned", avec son riff que l’on croirait avoir déjà entendu, mais qui garde néanmoins une belle force de frappe.

Les vraies réussites de cet album sont plutôt "The Funerary March" qui, lui, n’a pas grand chose d’une marche funèbre sinon son côté sinistre et qui regorge de cassures de rythme judicieuses venant relancer à chaque fois les élans de brutalité, ainsi que "Tombeau (Le Tombeau De La Fureur Et Des Flammes)", LE morceau hommage à Jared Anderson. Du HATE ETERNAL dans ce qu’il a de meilleur et qui aurait pu trouver sa place sur « King Of All Kings », comme si l’ombre de Jared avait plané sur sa composition. Riffs d’une mélodie noire, énorme puissance, déccélération impressionnante en cours de morceau, comme pour accompagner le voyage de l’âme d’Anderson. Une sorte de nostalgie s’empare des dernières minutes du titre, notamment grâce au solo étiré et plaintif de Rutan, qui s’étouffe dans un fade-out, avant de laisser place à "Coronach", une outro orchestrale menaçante parcourue par une voix féminine.

Une manière de clore l’album de meilleure façon qu’il n’avait commencé, et de rassurer sur le potentiel qui reste au groupe d’Erik Rutan. Car l’on ne saurait se satisfaire, par la suite, des uniques élans de brutalité des premiers titres. Puisque le talent de Jade Simonetto et l’entente entre Kelly et Rutan semblent pouvoir offrir à HATE ETERNAL une deuxième partie de carrière de qualité, espérons que le Monarque reprenne sa marche triomphale sur son prochain opus et ne laisse à cet album que l’image d’un disque "hommage", certes, mais de transition.