Malgré toute ma mauvaise foi et ma bonne volonté pour péter et répéter que IN EXTREMO est un groupe surestimé, il y a une chose que je ne pourrais jamais lui reprocher, c’est d’avoir élevé le folk metal dans une autre dimension. Une dimension beaucoup plus moderne, fort d’un anachronisme musical qui ne m’avait jusqu’alors pas fait de grands frissons. Le "alors" de la phrase précédente, c'est Sünder ohne Zügel, album qui me rapproche définitivement du gang des pro-IN EXTREMO et de l'autre gang des drogués d'indus metal estampillés Germania.

Je ne rechignerais pas cette fois là pour entrer dans la machine à remonter dans le temps tout en se projetant dans le futur. Parce que c'est quand IN EXTREMO va jusqu’au bout de ses contradictions qu’il est le meilleur.

Ici, ce qui choque agréablement, c'est cette volonté à amplifier la disto. Les guitares beaucoup plus spacieuses, fluides et puissantes en premier rang ont leur (gros) mot à dire par des riffs dans une veine toujours rythmique, mais nettement plus parlantes et aguicheuses. La basse jusqu’alors un peu trop en retrait envoie un bas frisson dans toute l'ossature des morceaux.

Entre les mains des allemands, les airs et textes trad’ médiévaux prennent leur envol comme jamais ils ne l’ont pris dans les albums du groupe…dans un univers situé quelque part entre l’an deux mille et l’an mille, ni vraiment dans l’un, ni vraiment dans l’autre, mais qu’importe, on headbanguera sur des passages clairement dévastateurs, on fera une petite ronde sur d’autres plus folk et mélodieux.

Là où le précédent album finissait par se morfondre dans les automatismes, Sünder ohne Zügel, lui, préfère s'y parfaire et y croiser en chemin la Créativité.
Le très carré et puissant « Winds » laissera la place à des titres inoubliables comme les très envolés «Lebensbeichte» et « Vollmond » (quel refrain). Les grands hymnes à la « Herr Mannelig » font également leur retour en force, comme le très moderne et entêtant « Omnia Sol Temperat », ou encore « Le Or Chiyuchech », où des lignes de chant (et de luth ?) mélodieuses contrastent avec un riff indus atomique. L’habituel mid-tempo «Die Gier» nous étreindra de sa mélancolie champestre, « Nature nous semont », dans un français médiéval plutôt douteux mais pas dérangeant fera descendre un voile d'obscurité, même si pourtant le thème folk repris est à l’origine festif…un morceau habilement interprété, génialement composé. Bref, la cerise sur le gâteau avant une agréable dernière ballade (« Her Den Wolken ») dans les forêts germaniques.


Chaque groupe a besoin d’un album clé. Sünder ohne Zügel est celui d’IN EXTREMO. Album intelligemment composé, où la partie metal se fait plus intense, la partie folk plus pointilleuse, et qui doit également beaucoup à un chanteur en voie de progression, passant de ces habituelles intonations rocailleuses à d’autres plus mélodieuses et sensuelles (on est pas non plus dans du rock pour minette à la HIM, je m'entends bien).
Une œuvre qui marque l’apogée d’une démarche originale. Un incontournable pour les fans de metal indus allemand autant que pour ceux de folk metal.