L’entrée est chaotique et très vite, les instruments se mélangent avec tourment. Une voix distante peine à se faire entendre, de rêches guitares dissonent timidement, une batterie lointaine aux cadences terriblement variées manque d’affûtage, les claviers ne parviennent que rarement à dominer un propos dérivant vers une difficile cacophonie. NEGURÃ BUNGET, qui signe ici son deuxième longue durée, se contente d’une production qui sent la crise économique. Le son joue les aventuriers dans une jongle luxuriante et ténébreuse. Le parti pris esthétique est clair, l’underground vous ouvre les bras.

Alors qu’il est de coutume d’évoquer dans une chronique les ouvrages ayant précédé celui qui fait l’objet de ce petit bulletin, je m’attarderai ici plus volontiers sur le successeur de Maiastru Sfetnic, le tenant et séduisant ‘N Crugu Bradului. Car ce disque, malgré sa rugosité élitiste, ne devrait en aucun cas se laisser cataloguer dans les pages brutal ou true de la plus sombre des encyclopédies musicales. NEGURÃ BUNGET ne transpire pas la virilité et ne débite pas un quelconque propos desséché et mortifère. Ceux qui connaissent déjà le dernier album du duo roumain verront dans ce deuxième essai la parfaite esquisse de ce qui deviendra une des plus belles œuvres obscures de 2002.

Maiastru Sfetnic fait déjà preuve d’une originalité rare, cependant masquée par cet infâme voile sonore dont la formation se débarrassera vingt lunaisons plus tard, après avoir signé chez Code 666, maison de disques plus aboutie que son ancienne écurie, le local et sympathique Bestial Records, au bras certainement trop court. Les influences nordiques ne s’effacent pas encore totalement, A-vint in abis et ses renvois EMPEROResques n’en est qu’un simple exemple mais déjà, un tapis latin, encore poussiéreux et à la teinte trop peu définie, jonche le sol humide de ce décor de Carpates. Les truffes les plus affûtées humeront les premiers effluves de puissance spirituelle, émanations qui embaument le forestier ‘N Crugu Bradului, jusqu’à le rendre sensuel et désirable.

Evitons cependant de trop forcer le trait. Cette galette n’est pas que la simple ébauche de son remarquable puîné. Le climat y est plus inquiétant, le manteau d’angoisse qui habille le disque se couvre parfois lui-même d’une cape d’épouvante, comme sur In-zvicnirea apusului et ses claviers de maison hantée. L’atmosphère brouillonne ajoute à cela une impression de désordre juvénile mais diablement intéressant, surtout si l’on se met à disséquer les nombreux atouts techniques de chaque instrumentiste.

Loin d’égaler l’album que vous savez et que vous vous devez de posséder, Maiastru Sfetnic n’est reste pas moins un voyage recommandable à tous les globe-trotters désirant combler leurs lacunes en géographie black metal.