LIMBONIC ART, ou le duo formé par Daemon et Morpheus, deux purs enfants des ténèbres norvégiennes, et qui ont choisi la voie logique du Black Metal pour donner de la matière à leur haine. Enchevêtré d’arabesques glaciales, LIMBONIC ART fait partie de ces très rares formations de Black dont les ondulations de claviers contribuent à densifier et épaissir un son déjà hostile originellement, en le couvant d’une emphase phénoménale.

Massifs et symphoniques, les claviers de Morpheus orchestrent la danse des ombres. Orgues dantesques, nappes brumeuses, pianos en cascades morbides, sont autant de visages d’une déité qui ourdit de longues et impressionnantes intros en crescendos tendus avant de prélever son dû sur le reste des instruments qu’elle asservit à sa cause, guitares et batterie programmée n’ayant ici d’autre rôle que celui d’étançonner l’ouvrage des claviers. D’une majesté symphonique rare, la musique du duo fait ainsi tonner de son caractère lugubre le tocsin d’un Black très visuel et quasi hypnotique : Indéniablement, la musique de LIMBONIC ART ne peut s’apprécier dignement qu’à la tombée de la nuit. Car c’est là que le Black céleste de ce duo puise sa dimension surnaturelle et tragique, réceptacle unique pour la voix proprement saisissante de Daemon, dominant jusqu’aux claviers, magnifique de profondeur, solennelle, théâtrale ou infiniment caressée d’un écho fantomatique.

Pour autant l’expérience musicale à laquelle nous convie LIMBONIC ART n’est pas sans difficultés ! Recroquevillé sur sa dimension exclusivement écrasante de symphonie, cet art extrême finit parfois par aplatir une dynamique soumise à de très longs étirements (tous les morceaux, liés entre eux par un thème récurrent et angoissant, dépassent les six minutes, et deux d’entre eux frisent le quart d’heure), et l’envoûtement tend à se dissiper sur des pièces telles que "Through Gleams Of Death" et "In Mourning Mystique", où l’auditeur peut flancher sous cet impressionnant assaut orchestral ne ménageant que peu de poches d’oxygènes non saturées de maléfice.

Pour autant, quand bien même LIMBONIC ART peut pêcher par sa volonté de s’en tenir à l’hégémonie des claviers, réduisant l’importance des guitares, on serait bien peu avisé de ne pas considérer les monstrueuses envolées de ces "Beneath The Burial Surface" et "Darkzone Martyrium" qui ressuscitent, à leur façon, l’ineffable pouvoir magique du EMPEROR de "In The Nightside Eclipse". Et lorsque les chefs d’oeuvres que sont "Beyond The Candles Burning" et "Moon In The Scorpio" viennent à déployer leurs vastes ailes moirées de teintes bleutées et funestes, l’esprit se rend à la cause de cet art grandiose.

A n’en pas douter, si l’exploration dans son intégralité de "Moon In The Scorpio" nécessite de l’auditeur patience et abandon, la force incomparable de cette musique saura vous transporter en de hauts lieux mythiques, où les étoiles se disputent la domination du monde. Et le Black Metal d’accueillir en son sein l’un de ses plus impressionnants enfant, encore turbulent et arrogant, trop sûr de son pouvoir pour faire fi d’exagérations prétentieuses. Mais heureusement, des pièces plus concises telles les deux chefs d’oeuvre suscités, maniant déjà un vocabulaire de l’effroi élaboré, se font les vecteurs de tant de promesses qu’on se doit d’honorer cette naissance comme il se doit : avec révérence.