"Opus Daemoniacal" est depuis le début d’année, un de ces albums attendus pour des raisons diverses. Certains pensant très fort et priant même peut-être qu’il soit une étape supplémentaire dans le déclin du groupe amorcé depuis le départ de Morpheus il y a déjà une décade et demie. Et puis d’autres, peut-être plus naïfs ou enthousiastes - et j’en fais partie - s’accordent encore à rester animés ou à espérer une petite remontée dans les hauts cieux du Black Metal Symphonique de haute volée où gisent pour l’éternité et au firmament leurs trois premiers albums. Il est vrai que les deux albums précédant "Opus Daemoniacal", le bel affreux "Phantasmagoria" sorti en 2010 et l’un peu moins irritant "Spectre Abysm" sept ans plus tard, nous avaient fait un peu serrer les dents et causés un peu de bruxisme pour certains la nuit tant tous deux paraissaient n’être que l’ombre d’eux-mêmes avec leurs compositions parfois mièvres ou indignes d’intérêt et davantage portées à montrer leurs croupes.

Mais je vous rassure tout de suite, "Opus Daemoniacal" serre davantage la pince à un album de la trempe de "In Abhorrence Dementia" et, pour notre plus grand plaisir, nous retrouvons bien plus lisiblement le génie de Daemon. D’abord un mot sur les vocaux qui m’ont sacrément plu d’emblée. L’eau ayant pourtant depuis quelques décennies coulé sous les ponts, celle-ci ne semble pas avoir rouillé le timbre vociférant et identifiable de Daemon, qui, sur cet album, se propulse à un très bon niveau (ou a joui d’un très bon mixage). Autre fait saisissant, l’absence des claviers qui ont pourtant tant orchestrer le sel de LIMBONIC ART et consacrer ce groupe – notamment par l’intermédiaire du chef d’œuvre "Moon In The Scorpio" – comme le meilleur si ce n’est l’ultime groupe de Black Metal Symphonique. Certains critiques parleront de ce duo norvégien de l’époque comme les créateurs d’une nouvelle gemme d’un Black Metal voluptueusement nommé « Wagnérien ». Les claviers ayant disparu – premier fait divers - place par contre toujours à cette batterie électronique très bien programmée. Daemon a pris son temps pour la bosser en studio avec le « Drumkit from Hell », et même si la linéarité reste de mise, son jeu est bien ficelé. Je terminerai enfin par vous parler de ce qui fait l’intérêt principal du disque : ses guitares. Car si les envolées symphoniques ont disparu, les riffs et les leads les ont remplacées pour monter un mur sonore aérien et révolté à la fois. Agressives et corrosives, Daemon s’est bien senti inspiré pour nous délecter de riffs bien puissants.

LIMBONIC ART reste une entité qui distille des nappes mystérieuses de décibels entransées et virevoltantes au-dessus de nous comme des spectres envoûtés. Il y a une ambiance incroyable sur certains titres qui vont vous désosser au fur et à mesure que ces fantômes s’abattront sur vous. Je pense par exemple à l’excellentissime "Vir Triumphalis" dont l’ADN nous ramène inévitablement avant la fin du millénaire. Ses faveurs sont mélodiques et leurs facéties forment un orchestre démoniaque assez survolté que les vocalises de Daemon emportent dans les hauteurs de la voûte céleste. L’on pourrait y voir dans ses tempos d’acier, une pointe toute MARDUK-ienne, mais des albums de la bonne époque. D’ailleurs le titre suivant, "I Am Your Demon", a aussi cette inflexion survitaminée qui vous contaminera les fluides, un peu comme certains titres de "Those Of The Unlight", ou d’autres de THE ABYSS par exemple. Mais "Opus Daemoniacal" a d’autres secrets qu’il s’amuse à nous partager. Écoutez absolument la pièce-orchestre magistrale "Ars Diavoli" qui vous ravira les forces internes. Chef d’œuvre de cet album, les douze minutes paraissent si courtes tant les variations, les éructations folles de Daemon, les riffs transcendants, les alternances forment comme un legato de notes sublimes. Il y aurait tant à dire sur ce titre qui me redonne froid au cœur et chaud à l’esprit tant il me rappelle les sombres heures magnifiques de "Moon In The Scorpio"… Les claviers en moins. Mais quel génie !

Du reste "Opus Daemoniacal" brille par sa variété émotionnelle. Tantôt épique et guerrier comme l’on pourrait essayer de traduire la marche effrénée de "Deify Thy Master" avec Daemon en haut commandeur stellaire, tantôt atmosphériquement hypnotique à l’instar de "Consigned To Flames", ou dans une moindre mesure "Ad Astra Et Abyssos", LIMBONIC ART nous sort un album qui truste selon moi ni plus ni moins une place sur le podium discographique. Si la première place de "Moon In The Scorpio" est hors de portée, je n’en dirais pas de même pour la suivante que "Opus Daemoniacal" pourrait très bien contester à "In Abhorrence Dementia". Seul le temps solutionnera ce classement mais Daemon réussit un très grand coup et sans doute le meilleur depuis le départ de Morfeus. Un peu plus de trente ans après la mise au monde de LIMBONIC ART, Daemon nous dévoile une nouvelle facette de son talent et de la plus auguste des façons.