BLITZKRIEG vs SATAN, telle était l’affiche du combat Heavy Metal de la rentrée 2024. Plus qu’un affrontement fratricide entre deux légendes de la NWOBHM, c’est aussi un duel masochiste entre Brian Ross et lui-même. Que s’est-il passé dans la tête des gérants de Metal Blade Records (SATAN) et surtout du petit label danois Mighty Music (BLITZKRIEG) pour penser que c’était une bonne idée que de publier à une semaine d’intervalle ces deux albums ? La force de frappe du label de Brian Slagel a surtout eu pour conséquence d’invisibiliser un peu plus la sortie du BLITZKRIEG qui n’est manifestement devenu qu’un projet secondaire pour le chanteur de SATAN. De l’aveu même de Brian Ross, cette situation n’est pas idéale.

Examinons donc ce "Songs In Crimson" de SATAN, de nouveau servi par une belle peinture d’Eliran Kantor en guise de métaphore anti-capitaliste faisant ainsi écho aux paroles du titre final, "Deadly Crimson".

Après un "Earth Infernal" qui se contentait de faire le job sans s’avérer très marquant on pourrait peut-être s’attendre à regain d’inspiration chez SATAN. Ne parlons pas de renouvellement, le groupe a son style, qui lui sied bien, et à vrai dire ne manque pas d’identité, mais on a compris qu’avec eux, comme beaucoup d’autres, il ne fallait pas s’attendre à une grande évolution. C’est sur le terrain de l’inspiration et de la qualité des morceaux que l’on va l’évaluer, ce qui est, de toute façon, le critère principal pour n’importe quel album. Étrangement, si "Earth Infernal" avait été très (trop) bien accueilli par de nombreuses critiques, cela semble moins le cas de ce "Songs In Crimson", (oui, j’ai été vérifié les notes sur Metal Archives), bizarre donc, car cet album me paraît tout à fait au niveau de son prédécesseur.

Si l’on veut absolument chercher quelque chose d’un peu "neuf", ce sera du côté d’un titre comme "Era (The Day Willl Come)" qui met particulièrement en avant la voix de Russ Tippins qui ne se contente pas ici de simples backings vocals. On sent que le guitariste est sorti renforcé de son expérience avec TANITH où il donnait également un peu de la voix, à croire qu’il a envie d’être aussi bavard au chant qu’à la guitare (car comme à son habitude, il va délivrer sur cet album des tonnes de riffs et soli). S’il n’a pas les armes pour être un vrai chanteur lead dans ce registre Metal, il apporte là une contre-partie intéressante au chant de l’immuable Brian Ross qui n’a quant à lui bien sûr toujours pas changé d’un iota, ce qui peut s’avérer lassant à la longue. On vient d’ailleurs à regretter que le groupe n’exploite pas plus la voix de Tippins sur d’autres titres, ils avaient là vraiment un moyen simple et efficace d’apporter un peu plus de diversité à leur musique.

Pour le reste, on notera avec satisfaction la capacité du groupe de toujours savoir composer des titres efficaces avec ce même style à la fois rugueux et très mélodique, finalement assez incomparable. Que ce soit avec le "single" réussi "Turn The Tide" (dont le clip – risible - donne le mal de mer), en passant par "Sacramental Rites", à mon avis le meilleur titre de l’album, le plus agressif "Martyrdom" qui rappellera que fut un temps SATAN était un thrasheur, au titre final "Deadly Crimson" avec ses différents breaks et changements d’ambiance qui rappellent aussi que le Prog n’est parfois pas très loin chez eux tout en restant ancré dans une veine totalement Heavy. Autant de très bons titres qui montrent que ces vieux briscards savent toujours se montrer pertinents.

Mais on ne passera pas non plus sous silence les moments de faiblesses, tel que "Captives" ou "Truth Bullet", des titres bouches-trous juste pour justifier la durée de l’album. Au moins, SATAN ne tombe pas dans les excès d’un TOKYO BLADE, rassurez-vous l’ensemble n’excède pas les cinquante minutes.

Alors, qui gagne entre SATAN et BLITZKRIEG ? Si le premier ne démérite pas, à mon avis c’est le second qui contient les titres les plus marquants. Après plus de dix ans de règne satanique, on n’en voudra pas de la victoire d’une courte tête du premier groupe historique de Brian Ross.