SATAN est devenu dans le milieu de la NWOTHM une véritable référence. Surtout, le groupe anglais est perçu comme un exemple même de reformation réussie. Cela peut aisément se comprendre au vu de leur parcours depuis 2013 : les sorties se font régulières (un peu de retard pour ce "Earth Infernal" mais inutile de vous dire pourquoi je pense), de même que les tournées, et la qualité est jusque là au rendez-vous. Ce qui est également salué c'est l'esprit du groupe, ce son qui respire l'artisanat (mais qui n'en est pas moins travaillé, faut pas croire), et l'attitude qui va avec. A un tel point que "Suspended Sentence" se retrouvait positionné en numéro 1 des albums de Heavy traditionnel sorti durant la précédente décade dans le classement de feu de l'excellent site Ride Into Glory. Avis que je ne partage cependant pas, trouvant ce disque inférieur à ces deux successeurs qui me paraissent plus réfléchis et aboutis. Il faut croire que j'aime être à contre courant car l'histoire se répète : ce quatrième album post-reformation a été très bien accueilli dans les milieux concernés alors que de mon côté je suis plutôt resté un peu de marbre.

C'est certes anodin mais déjà la peinture d'Eliran Kantor me séduit moins que celles des précédents albums. L'habitude peut-être, mais je ne ressens pas cette attractivité qui était naturelle jusque là. Mais passons. Le gros souci à mon sens de "Earth Infernal" c'est qu'il ne fait que s'inscrire sans surprise dans la discographie du groupe. Vous me direz que c'était pareil pour les trois précédents opus, oui mais non. Si la production et la recette restaient la même, il y avait une amélioration de la formule, des compositions toujours plus accrocheuses et élaborées, ici je trouve que le groupe régresse un peu. Déjà, il faut bien admettre que le chant de Brian Ross n'est pas toujours des plus enthousiasmant, trop linéaire. Il est assez clair que l'âge commence à se faire sentir, et avec un chanteur aux capacités limitées comme Ross cela peut être un peu gênant. Pas dans le sens malaisant, mais dans le sens où sa performance ne permet pas de rehausser l'intérêt de l'album. C'est souvent d'ailleurs le travail des chœurs qui lui redonne de son intérêt, comme sur cet intéressant "Luciferic" à l'esprit assez vintage.

Ensuite, bon, déjà le premier titre, "Ascendancy", n'a rien de mauvais en soit mais il parait tellement commun pour le groupe. On retrouve tous leurs ingrédients typiques, la petite intro en trompe l'œil avant l'habituelle cavalcade frénétique des guitares. Ok, c'est cool, mais il manque une véritable accroche à ce titre à mon sens. C'est un peu le même problème pour tout l'album. Car sinon les riffs sont globalement bons (parfois même très bons, le groupe reste référentiel à ce niveau), les parties de guitares échevelées sont précises et véloces, Tippins et Ramsey formant toujours ce duo implacable qui se défoule intelligemment. A cet égard "Burning Portrait" est une sacrée démonstration, et sans doute le meilleur titre de l'album.

On a aussi notre lot de parties plus méchantes, qui rappellent que l'agressivité n'est pas qu'une question de vitesse ou de batterie qui blaste : le riff d'intro de "Twelve Infernal Lords" nous montre que c'est d'abord une question d'intention lorsqu'un guitariste attaque ses cordes de guitares, et en cela on se rend compte à quel point cette production sèche met en valeur ce type de propos. Le reste de la composition se décline en un développement intéressant doté d'une vraie richesse harmonique bien que le fade-out final peut paraître contestable.

Donc "Earth Infernal" de SATAN, ça reste globalement qualitatif, grâce notamment à tous ces éléments qui font la patte intrinsèque du groupe, essentiellement marqué par le sceau de Russ Tippins, qui reste le principal dépositaire du "son" SATAN (cela, le TANITH de 2019 nous l'a bien fait comprendre). Mais ce sentiment de stagnation peut paraître gênant, ou nous laisser sur un sentiment de déjà entendu ou de prévisible un brin lassant ("A Sorrow Unspent"). La vrai faiblesse se situant surtout au niveau de l'écriture des refrains : ceux-ci sont très rarement mémorables et trahissent ainsi une véritable faiblesse d'inspiration. "Cruel Magic" était à mon sens bien plus qualitatif à ce niveau. En fait, j'ai l'impression que cet album pourra plaire facilement à ceux qui sont amateurs du genre mais qui n'écoutent qu'occasionnellement les Anglais, ceux qui en revanche les connaissent très bien seront peut-être les moins satisfaits : qui aime bien châtie bien.

On remarquera tout de même la présence d'un instrumental, "Mercury's Shadow" avec son intro à consonance Hard Rock mélodique agréable mais qui peine une fois de plus à maintenir l'attention dans la durée.
Une sortie qui reste de facture très honnête, le groupe parvient toujours à se détacher de la masse, mais la routine se fait quand même un peu trop sentir ici.