Pour fêter les trente ans de la sortie du premier EP éponyme de DARK FUNERAL, Century Media s’est frotté un peu les mains en daignant sortir une réédition bien chiadée, nous permettant de profiter des premiers émois de Lord Ahriman au temps béni où, il croisait les guitares et les compositions avec le regretté Blackmoon qui officiait aussi à l’époque avec NECROPHOBIC. Toute une époque vous me direz, certes, mais cela fait aussi plaisir de réentendre cet EP assez oublié et peu réécouté après les déluges de "The Secrets Of The Black Arts" et de "Vobiscum Satanas".

Il faut dire que cet EP a vraiment escamoté le plan futur de "The Secrets Of The Black Arts", et, dans sa marmite bouillonnante où mijote la recette qui fera le succès du groupe, deux titres lui seront empruntés pour concocter une partie de la tracklist de l’album de 1996. En effet, "Shadows Over Transylvania" et "My Dark Desires" iront bien se loger au chaud autour d’autres titres de renom. Ce réenregistrement sonne de manière bienvenue à mon sens, même s’il peut paraître dispensable pour les puristes qui préfèreront toujours et encore le son originel. Pour ma part, j’y suis sensible tant cette réédition redonne vie à la production originale qui ne rendait pas bien compte de la densité et de la richesse de détails des titres. Dans une interview récente, Lord Ahriman indiquait que cet album appartenait au passé du groupe et devait y rester, mais que cette réédition avait déjà été discutée avec Blackmoon qui la souhaitait. Alors, il est possible que cet ultime hommage à Blackmoon (qui s’est suicidé en 2013), ait pu jouer dans la balance pour motiver Lord Ahriman à le réenregistrer.

Mais n’oublions pas aussi que cet EP sorti au printemps 1994 - au milieu d’autres albums intemporels comme le "Transilvanian Hunger" de DARKTHRONE et le "In The Nightside Eclipse" de EMPEROR sortis tous deux en février de cette année-là, le "Hvis Lyset Tar Oss" de BURZUM en avril, le "De Mysteriis Dom Sathanas" de MAYHEM en mai, le "The Shadowthrone" de SATYRICON en septembre, ou bien encore le "Opus Nocturne" de MARDUK en décembre – contribue aussi à gonfler l’accélération exponentielle de la seconde génération du Black Metal, celle dite de la « deuxième vague ». Avec cet EP, DARK FUNERAL se positionne, propose et assoit son identité et ses ambitions. Toute la recette qui a tant collé à la peau de DARK FUNERAL, avec leurs fameux gimmicks : les « Satan » à tout bout de champ, le trémolo picking façon mur de son, les postures, le 666, et le corpse paint, est déjà présente sur les riffs un peu Thrashy et incisifs de "Open The Gates" ou sur ceux aussi de la plus monotone "In The Sign Of Horns".

S’il est vrai que cet EP ne constitue pas une œuvre majeure dans la discographie de DARK FUNERAL, il est du point de vue de l’histoire du mouvement Black Metal une sortie incontournable – au même titre que pourrait l’être l’EP de GEHENNA "The First Spell" sorti aussi cette année-là. Alors rien que pour cela, et profitant de ce réenregistrement quasi-salutaire, je vous en conseille l’écoute.