Je vois des douzaines et des douzaines de roses noires livrées aux frères Max et Iggor depuis la sortie de ce deuxième réenregistrement de leurs albums de SEPULTURA – "Morbid Visions" étant le premier. Je peux comprendre ce déferlement d'amour des fans, mais objectivement, un analyste comme moi – doublé d'un disciple de "Schizophrenia" – ne peut qu'être interloqué.

Je concentrerai donc ma bafouille sur un seul critère : la pertinence de cette décision artistique des Brésiliens. Car pour le reste – faire plaisir aux amateurs, s'offrir un trip nostalgique sans Kisser ni Paulo Jr, (re)découvrir la qualité surprenante de "Schizophrenia" si tôt dans la carrière des poilus, ainsi que son efficacité redoutable et son teint antirides – on est pas mal tous au diapason.

La pertinence, donc, de ressortir ce classique du Thrash/Death trente-sept ans après sa création est le cœur du problème. Mais attention : on doit avant tout avoir écouté cette cuvée moderne, avant d'en juger l'à-propos. Tant de questions auxquelles j'apporterai des réponses claires et directes.

A-t-on droit à la version idéale de cet album de génie prématuré ? Les goûts et les couleurs, comme on dit. La note décernée trahit mon « enthousiasme ». L'idéal n'existe que dans l'esprit et le cœur de chacun.

L'ambiance sèche et mortuaire, exposant la folie et l'étouffement, est-elle encore prégnante ? La sauce Scott Burns a depuis longtemps collé au fond de la marmite du marché. Sauf que, sur "Schizophrenia", elle s'avérait dix fois plus délicieuse que sur ce réenregistrement à la facture sonore quelconque. La prod' n'a pas été boostée par trente-sept ans d'évolutions techniques, mais elle ne percute pas non plus autant qu'en 87.

Les percussions d'Iggor, on s'en doute, ne sonneront plus aussi « fond de boîte de conserve » telles que je les adorais jadis ? E-ffec-ti-ve-ment. Et ça manque. On reconnaît la technique d'Iggor, mais encore une fois, la pertinence, la pertinence…

La voix de Max aura maturé, mais nous énervera-t-elle ? Oh là, là, c'est pas joli… OK, Max a pris de la ride, mais on aurait pu sauver son pauvre grain en y injectant un peu de peps aux manettes. Là, on a voulu sonner old school, sans envergure. Ma préférence va donc à la voix de 87, issue des tréfonds d'un puits perdu dans le trou du cul du monde. J'encense ces échos…

Et, le plus important: le guitariste studio Travis Stone sera-t-il au sommet pour, au minimum, atteindre le niveau hallucinant d'Andreas Kisser ? Eh ben non. C'était prévisible. Certes, le caméléon fait le taf, on apprécie la qualité des compos des Brésiliens, dont la terrible "To The Wall", souvent oubliée parce qu'écrasée entre "From The Past Comes The Storms" et "Escape To The Void", la progressive "Inquisition Symphony", qui avait bluffé les fans de Thrash à l'époque et qui bute toujours, ou la nerveuse "Septic Schizo". Outre ce rendu assez fidèle des racines de l'arbre, le jeu de Stone est simplement plus faible, tel que sur "Screams Behind The Shadows", LE chef-d'œuvre du skeud ; la vitesse d'exécution et la hargne de Kisser à magnifier chaque note ne se ressent pas. Le solo est notamment massacré de chez Massacré. C'est bien dommage, surtout qu'à cause de ça, la pièce ne figure pas au podium, alors qu'elle aurait dû y trôner.

Question bonus : l'inédite "Nightmares Of Delirium" remplacera-t-elle d'aplomb la reprise de "Troops Of Doom" qu'on avait tant chérie en 1987 ? Seul le temps le dira, mais au jour d'aujourd'hui, difficile de supplanter l'atmo de "Troops...". Il est agréable par contre d'ouïr du nouveau stock.

SEPTULTURA CONSPIRACY éveillera sans doute une autre génération aux réalités des 80s et 90s avec ce réenregistrement. Je passerai mon tour. J'ai chroniqué, je repars dans mes vieilles terres. Démerdez-vous !

Podium : (or) "Inquisition Symphony", (argent) "To The Wall", (bronze) "Septic Schizo".

Indice de violence : 3/5.