Ôtez ce haussement de sourcil de votre faciès, je vais tout vous expliquer. Au détour d'une discussion en interne au sujet de la complétude des discographies (et de savoir qui était par conséquent le plus dans la panade), des coupables ont été rapidement désignés : SLOTH, KING GIZZARD & THE LIZARD WIZARD… C'était oublier qui avait la plus longue ! (Hum, hum). BUCKETHEAD est imbattable à ce petit jeu, et ne sachant pas par quel bout la prendre (décidément), les coquins de NIME ont tiré des numéros au hasard façon Française des Jeux comme point d’entrée à ma torture. Allez, numéro 641 à la barre, dernier LP en lice, merci mon cher John Duff !

Je n'ai - évidemment - pas poncé l'intégralité des "Pikes", mais force est de constater l’évolution de ces derniers au fil du temps, adoptant une approche graduellement expérimentale, jusqu’à devenir un véritable laboratoire de savant fou, ou un atelier de peintre ermite dans lequel les toiles, encore fraîches, se superposeraient les unes sur les autres. Variant au gré de l’humeur de "Big B", tantôt des ballades, tantôt du hardos, ce six-cent-quarante-et-unième Pike est un long shredfest typiquement BUCKETHEADien en trois actes, riffé à souhait et usant abusivement de son tapping caractéristique aux sonorités cosmiques.

Bien que le toucher de Carroll soit d’une netteté sans égale sur ses phrasés, cette petite demi-heure tourne très vite en rond et ne témoigne pas d’une musicalité particulière, la programmation invariante de la batterie en 4/4 (ambiance poum-tchak-poum-tchak) nous sortant à de nombreuses reprises de l’écoute qu’il faut savoir conserver attentive tant peu d’éléments exaltants sont à nous mettre sous la dent. Les trois titres sont effectivement singuliers, mais leur défaut d’une quelconque structure cohérente ne permet pas d’identifier des passages plus marquants que d’autres, le second "Chew" étant le pire en la matière, feignant difficilement la clairvoyance de l’improvisation, à tâtons, du one-man band. Et ce n'est pas les tentatives d'introduire des mesures de basse nettes mais à la direction peu lisible se détachant de la guitare -elle aussi en roue libre-, qui affineront le résultat tant elles sont insipides : nous savons le bonhomme capable de mieux bien que ce ne fut pas son instrument de prédilection.
Le troisième "Chew" explore en profondeur l’effet de phaser, donc son usage indiscontinu sur la guitare, finit par se muer jusqu’au final dans une soupe aux notes indéchiffrables, noyées dans des coups de killswitch abrutissants. Reste ainsi le premier "Chew", seul réel titre passable, car distinctement jazzy et techniquement respectable.

"Rooster Eats Its Beak To Tame Itself" est un album dans la moyenne de ce que peut produire l’esprit un chouïa torturé de l’homme au seau renversé sur la caboche, parfaitement oubliable sitôt écouté. Il est honnêtement difficile de se convaincre qu’il ne s’agit pas d’une longue session d’improvisation… Après plus de sept-cents albums, il faudrait créer une échelle de notation qui précise au centième celle de NIME et qui ne collerait qu'uniquement aux frasques de Bucky. Cependant les règles sont les mêmes pour tout le monde, et même en admettant l'aspect aventureux de sa démarche, difficile d'aller au-delà d'un 2, déjà généreux. Mauvaise pioche John, désolé !

Note réelle : 1,5/5.

Classement : "Beak 1 Chew" (pour le meilleur shred), "Beak 3 Chew" (pour l’effet de phaser rigolo), "Beak 2 Chew" (pour… rien).