Le recul aidant, il est évident qu'il y a un avant et un après "Tief. Tiefer" dans la carrière de DIE APOKALYPTISCHEN REITER. Cet album publié en 2014 marque en effet la fin d'une période particulièrement faste qui aura vu la formation allemande gagner en popularité tout en conservant l'authenticité et l'intransigeance de son Metal inclassable, bariolé, tirant autant sur le Black que sur le Heavy, à l'image d'une carrière qui aura vu le groupe décloisonner complètement sa musique pour proposer un résultat unique et délicieux. Toujours est-il que ces dix dernières années auront vu les cavaliers de l'apocalypse galoper après leur superbe, n'obtenant qu'un succès poli malgré deux albums particulièrement inspirés publiés respectivement en 2017 puis 2022, séparés par un étrange autant qu'enivrant album expérimental en 2021. Une période récente qui aura également vu le départ du fantasque claviériste Dr. Pest en 2021, auquel s'est ajoutée à l'été 2023 la double démission du guitariste Ady et du batteur de longue date Sir G., laissant les indéboulonnables têtes pensantes du groupe que sont Fuchs et Volk-Man seuls aux commandes. Si DIE APO a toujours connu la valse des guitaristes, ces défections en cascade auraient pu sonner le glas de la carrière du groupe, qui fait néanmoins part très vite et à notre grand soulagement de son souhait de poursuivre sa carrière, annonçant le recrutement successif du guitariste Titus Maximus et du batteur Rohgarr durant la saison estivale. Une formation renouvelée donc, dont on espère de grandes choses.

Conscient de l'attente qui règne autour de la nouvelle mouture du groupe, Fuchs et Volk-Man décident, en guise de cadeau de Noël, de proposer un EP quatre titres qui nous permet de découvrir le groupe devenu quartet, et qui nous rassure pleinement : l'identité DIE APOKALYPTISCHEN REITER est plus forte que celle des individualités qui la composent, et le remplacement en quelques semaines de la moitié du groupe n'entache en rien sa capacité à rester fidèle à ses sonorités uniques qui font sa richesse et sa pertinence. Edité en quantité limitée (666 exemplaires CD, 333 vinyles), "Die Mutter Des Teufels" se voit illustré de fort belle manière par le très doué Fuchs, et débute avec un titre qui, comme un manifeste, voit le groupe se rappeler avec éclat à notre bon souvenir : "Hallo Freunde", à la manière d'un "Reitermania" fédérateur, s'inscrit dans la droite lignée de ce que le groupe a pu proposer de meilleur dans les années 2000, proposant un mur de guitares soutenu par un tempo ébouriffant et la voix charismatique de Fuchs, qui déclame autant qu'il chante.
De par son accessibilité et ce côté direct, immédiat, "Hallo Freunde" évoque ainsi l'époque "Samurai/Riders On The Storm", et se place au même niveau que ces derniers, preuve s'il en était besoin de la capacité de DIE APO à rebondir là où on aurait pu le croire moribond.

"Adler Fliegen" ("Les Aigles s'envolent") s'inscrit dans une veine similaire, accentuant plus le mariage entre ombre et lumière. Moins extrême que sur ses albums récents, le groupe compense ici le départ des claviers si appréciables de Dr Pest par une omniprésence des guitares. Du Black, il reste ici la frénésie de la six-cordes et quelques growls distillés avec parcimonie, de même que cette envie d'abattre les murs. Néanmoins, les refrains restent ici lumineux, malgré des ambiances plus sombres. "Die Mutter des Teufels", qui narre une danse mortifère avec la mère du Diable, propose un lick de guitare sautillant qui, s'il avait été interprété par un instrument traditionnel, pourrait rapprocher ce morceau d'un Folk Metal séduisant. Enfin, l'EP s'achève avec "Two Children Of Mother Night", réinterprétation transfigurée du morceau "Children Of Mother Night" présent sur l'album "The Divine Horsemen". Introduit par des guitares "Black'N'Roll", ce morceau ésotérique est sans doute le plus audacieux et iconoclaste de l'EP, nous donnant à savourer l'identité intransigeante des APO dans toute sa complexité et sa polysémie. Quel bonheur d'écouter de nouveau le groupe jouer à un tel niveau.

Quatre excellents morceaux, quatre points, quatre cavaliers de l'apocalypse qui chevauchent à en perdre haleine pour nous rendre la fin du monde plus supportable. Un EP qui fera des heureux parmi les nostalgiques de l'époque 2003-2011, et la promesse d'un avenir que l'on espère flamboyant pour un groupe dont cette preuve de vie marque la fin d'une courte convalescence.