Cela faisait un bail que je ne m’étais pas remis à entendre du GRAVEWORM. Ma dernière écoute datait de la sortie de "(N)Utopia", et force est de constater qu’après visite du reste de leur discographie, ma rupture de contact n’était pas une grande erreur. Nos Italiens semblent avoir erré de style en style, de plus en plus éloignés du Black Metal symphonique talentueux de leurs débuts, en bouffant à tous les râteliers qu’il leur soit possible d’attraper. Ces quêtes d’identité contraintes en auront découragé sans doute plus d’un, tout autant qu’elles auront aussi permis de brasser un autre type de public, plus Death ou Gothico-Death dans l’âme. Les sorties décevantes s’accumulant au fil des années, ce "Killing Innocence" était, disons-le courtoisement, peu attendu.

Pour les nostalgiques des débuts du groupe dont je fais partie, je projetais dans ce nouvel album, un méli-mélo ennuyant et sans envergure. À un moment donné, il faut avoir le courage de faire son deuil et de tourner la page, n’est-ce pas? Oui mais voilà, j’ai eu quelques échos de ci-de-là semblant indiquer que GRAVEWORM s’était ressaisi avec ce nouvel opus. Tout déconcerté et subitement attentif à en découvrir le contenu, je me téléportais à la fin des années 90, quand GRAVEWORM croisait le fer avec CATAMENIA, CRADLE OF FILTH, DIMMU BORGIR ou HECATE ENTHRONED. Je soufflais sur les poussières accumulées depuis des années sur les "As The Angels Reach The Beauty", "Scourge Of Malice" - des albums de renom transpirant d’épopées épico-symphoniques du meilleur acabit -, et me les repassais dans les oreilles pour replonger dans l’univers des Italiens et m’en imprégner.

Et en effet, si ce "Killing Innocence" semble se sortir d’un embourbement avancé, il s’extirpe seulement de cet envasement dans lequel il s’était plongé depuis 20 ans, soit depuis le tournant amorcé avec "Engraved In Black", depuis aussi que GRAVEWORM tourne le dos de manière caractérisé à ce Black Metal qui l’a pourtant tant encouragé à produire ses plus belles œuvres. Huit ans après leur dernier opus, "Killing Innocence" n’est pas si désagréable lors des premières écoutes. Il comprend en son sein des titres intéressants et d’autres beaucoup plus monotones et sans relief. Difficile de catégoriser cet opus mais peut-être qu’un Death/Black mélodico-symphonique lui siérait bien. Maintenant je dois bien le dire, difficile pour moi de comparer le génie du GRAVEWORM de l’époque avec cette nouvelle mouture de 2023. Nos Italiens produisent un album à la production puissante, leurs velléités agressives sont contenues et un aspect plus mélancolique jaillit des compositions. Quand "If The World Shut Down" sort de sa léthargie initiée par le début de son introduction, nous retrouvons enfin des émotions captivantes que ces fulgurances prodiguent. Le titre suivant "In Honour Of The Fallen" débute enfin sur de bonnes bases dès le début, et constitue selon moi l’acmé de l’album : l’émotion de ce Death Mélodique enivre et apaise à la fois. Je me permets donc de citer ces deux titres car je trouve que sur ceux-ci, GRAVEWORM produit ce qu’il sait faire de mieux mais malheureusement de manière trop erratique. "Dead Words" et "We Are The Resistance" sortent aussi leur épingle du jeu dans une moindre mesure mais valent le coup d’oreille.

Même si la voix de Stefan Fiori gâche quelque peu l’ensemble de l’œuvre de "Killing Innocence" tant elle me paraît fade et parfois irritante, je remarque que les compositions - lorsqu’elles sont appuyés sur les leads inspirés et les clameurs du claviers -, sont entraînantes et bien ficelées. Je reste néanmoins sur ma faim. Je n’espérais pas forcément un retour d’un "Scourge Of Malice", mais plutôt un album plus dynamique et varié. Au lieu de cela je trouve que ce nouvel album reprend le chemin d’un autre sable mouvant. Finalement cette impression bancale donne de l’espoir autant qu’il le ternit. L’avenir nous dira la suite, si suite il y a !

Note réelle : 2,5/5.