On ne peut pas dire que le monde décrit par la discographie hautement qualitative de CELESTE soit empreint d’optimisme et de bonhommie. Sombre comme l’obscurité dans laquelle ils évoluent sur scène, le dégoût et la violence se matérialisent à travers les flashs stroboscopiques et les rayons carmin qui émanent des frontales des membres, englués dans un nihilisme authentique et viscéral. Pour qui ne serait pas familier avec l’univers des Lyonnais, méfiez-vous de l’innocence, à peine perturbée par les mains dérangeantes présentes sur l’artwork de cet "Épilogue(S)", second EP du combo, près de vingt ans après le désormais culte "Pessimiste(S)".

Depuis ces débuts remarqués, mais restant l’apanage d’un cercle relativement confidentiel, les Frenchies ont tracé leur chemin sans jamais se renier ni céder à la facilité. Et si d’aucuns pouvaient craindre que la signature chez Nuclear Blast ne puisse mettre à mal cette intégrité, "Assassine(S)" venait en 2022 démontrer l’opposé, tirant la substantifique moelle de l’identité de la formation tout en venant l’enrichir du nuances sludgy, voire groovy, sans rien ôter à l’intrinsèque noirceur du propos et de la musique. CELESTE reste CELESTE, immuable dans sa misanthropie et son rejet de la nature profonde de l’être humain.

Fort de cette créativité, le groupe avait gardé quelques pépites dans sa besace lors des sessions d’enregistrement de leur opus précédent, et nous les propose ici sous la forme d’un format court, un peu à l’instar de l’excellentissime "Songs Of The Dusk" d’INSOMNIUM quelques semaines plus tôt, qui venait complémenter le non-moins réussi "Anno 1696". D’une réelle continuité d’ensemble en termes de production et d’intention, le disque n’en présente pas moins une surprenante (r)évolution à travers le titre "With Idle Hands" (qui pourrait se traduire par "les conséquences pernicieuses/néfastes liées à l’oisiveté et l’inaction"), dont les paroles anxiogènes dénotent avec l’atmosphère globale du morceau, amplifiant par là même le malaise. Par ailleurs, il s’agit à ma connaissance des premiers textes en Anglais couchés sur papier par Johan et sa bande, qui se sont, pour l’occasion, adjoints le renfort de Tim Heck, du groupe de Shoegaze américain GRIVO. Enfin, il s’agit, et de loin, de la composition la plus calme et posée de l’histoire de CELESTE, ce qui constitue un évènement en soi.

L’ambiance globalement apaisée et éthérée dénote franchement par rapport à ce à quoi nous étions habitués, dans une ambiance franchement Post-Rock/Metal, soulignée par le chant clair de Tim, qui vient prêter sa voix en plus de sa participation à l’écriture. Un véritable OVNI au regard des précédentes productions du combo, faisant part belle à une vibe aérienne désenchantée. Dans sa construction, "With Idle Hands" se rapproche des instrumentaux des précédents LP, tel que l’"Outro" d’"Animale(S)", de par son impact profondément introspectif. Définitivement une voie à creuser pour le groupe à l’avenir, afin d’apporter plus de variété à son œuvre parfois perçue comme trop homogène et monolithique. Elle lui ira comme un gant, à partir du moment où elle se mêlera pleinement avec le style habituel, ce qui n'est pas encore totalement accompli ici à mon sens.

Car, en ce qui concerne les deux autres pistes, "Il Se Vide Lentement" et "Plisse Les Yeux Jusqu’au Sang", on reste en terrain ultra balisé. Les chansons sont bonnes et profondément ancrées dans le fief bâti par CELESTE, brique après brique : ce désespoir à fleur de peau hurlé à la face d’une espèce en laquelle il ne fonde plus aucune attente. Musicalement, nous sommes également très proches d’"Assassine(S)" et son Post-Black intégrant quelques teintes GOJIR-esques, aussi planant qu’il peut s’avérer plombant.

En revanche, on saisit rapidement la raison d’être de cet EP. Si "With Idle Hands" ne collait tout simplement pas avec la cohérence des morceaux sélectionnés pour le précédent LP, "Il Se Vide Lentement" et, dans une moindre mesure car un cran au-dessus de par ses mélodies et harmonies -core, "Plisse Les Yeux Jusqu’au Sang" s’avèrent un chouya plus génériques que les bombes ayant passé le cut pour "Assassine(S)", bloc compact envoûtant de bout en bout. Sans aller jusqu’à les qualifier de chutes de studio, aucun de ces titres n’aurait pu prétendre de manière évidente à remplacer ceux présents sur le dit-album. Du bon CELESTE, mais rien d’extraordinaire non plus.

Cet EP s’adresse avant tout aux fans de CELESTE, les réconfortera sur ce qu’ils savent déjà tout en leur faisant découvrir une nouvelle facette plus Ambient, que j’espère voir développée à l’avenir. Pour les novices en revanche, je recommande plutôt de commencer par d’autres cuvées, légèrement plus inspirées, que ce soit les déjà cités "Animale(S)" et "Assassine(S)", ou encore "Nihiliste(S)" ou "Misanthrope(S)"

Note réelle : 3,5/5. Arrondie à 4 subjectivement, mais à 3 en toute objectivité.