"Celestite" s’est fait descendre à tout point de vue par des reviewers plus ou moins qualifiés, plus ou moins concernés mais surtout pressés par la sortie de la chronique elle-même au mépris de ce que demande le disque : de la patience, ainsi qu’une certaine forme de disponibilité neuronale. "Celestite" est un album de "l'aller vers" comme j’aimerais le traduire. En cela, j’espère vous aiguiller sur les agissements qu’il souhaite produire, cette volonté consciente d’attraper une main tendue qui permettrait de traverser l’autre côté du miroir, à la croisée des chemins de l’imaginaire et de la dépossession de soi. Barrer la route à ses premières impressions n’est pas souvent chose commune pour l’espèce humaine, guidée par l’intuition et ses besoins de protection instinctive. Mais sur ce type d’album, non Metal, baigné d’un Ambient tout aussi tragique que lumineux, l’auditeur se doit de se laisser aller pour de bon et de lâcher prise avec son jugement inique.

WOLVES IN THE THRONE ROOM a choisi de développer, sur cet album de rupture, des drones puissants, mélancoliques et éthérés pour orienter leurs compositions vers une nouvelle ère. Ce travail intelligible m’a rapidement fait associer à ceux du brillantissime Tim HECKER ou d’un Ben FROST. Tous deux explorent des paysages sonores acousmatiques en organisant le chaos. Et je dois dire qu’en tant qu’amateur de ce style de musique, les WITTR s’en sortent très bien et me paraissent congruents. "Celestite" est donc une exploration cohérente et subtile, et qui arrive à extraire des profondeurs une forme de magnificence au service d’un fatras sonore délicat et immersif. Il y a aussi une variable influencée par le Krautrock, à la manière des premiers efforts de TANGERINE DREAM ou de ceux de Klaus SCHULZE. Je perçois leur influence dans les boucles sonores des frères Weaver. "Celestite Mirror" en est le parfait exemple : longues séquences méditatives dentelées d’effets atmosphériques d’un synthétiseur diaphane, montées progressives quasi liturgiques enchevêtrées de distorsions contenues et élégiaques. Mais je pourrais en dire tout autant de la track "Sleeping Golden Storm" ; somptueuse et sombre à la fois, elle cueille l’auditeur et l’emmène sur des chemins inconnus en y manifestant les occurrences.

"Celestite" est un album instrumental qui fait pont entre le "Celestial Lineage" et ce nouvel EP à la belle prestance qu’est "Crypt Of Ancestral Knowledge". D’allure complexe, l’album manipule des dispositifs analogiques qui subvertissent son écoute. Les coups de butoir plus ou moins prononcés de "Initiation At Neudeg Alm" rappellent que nous n’avons à faire à un groupe de Metal extrême et sombre dans son essence et cela aurait dû en rassurer plus d’un… S’éloignant un peu de la doxa, WITTR a voulu sans doute plonger dans ses abysses pour en faire expérience mais aussi y dénicher quelques secrets. Je dois dire que le résultat me comble, les nappes sonores de "Celestite" sont à la fois acides, éthérées, fulminantes et chaudes comme un souffle. L’effet vaporeux est toujours perçant, et tout à la fois balancé par des arpèges sombres et tyranniques. Un bel exemple selon moi d’un grand pas de côté tout à la fois risqué et aventureux. Pari réussi, et la suite confirmera cette tendance que "Celestite" n’était pas vain, ni abscons, mais bien strictement nécessaire pour la création de futurs tumultes.

Note réelle : 3,5/5.