Dix ans d’attente pour enfin découvrir le nouveau revenant. Il en fallu du temps pour que le voyage cosmique revienne aux pâles lueurs terrestres. Grisé par la fuite, la fugue, l’abandon et le voyage, DARKSPACE nous revient d’entre la matière noire et les poussières interstellaires pour reprendre le contrôle du vivant terrestre. Balayé par les vents solaires, le vaisseau "Dark Space -II" atterrit endrapé d’une aura toujours aussi maléfique et angoissante. Se déjouant des ordres et des conventions, voici que s’arrime dans nos oreilles 47 minutes palpitantes qu’il est si peu important de tenter de déchiffrer et de disséquer. En tout cas cela n’est pas nécessaire tant que vous sachiez fermer les yeux et rester attentif à la cohorte de rêverie et d’hallucinations qui vous guettent à l’écoute monacale de ce nouvel album de notre trio suisse mystérieux.

Signé chez Season Of Mist pour la forme, DARKSPACE pourrait l’être chez Cyclic Law tant "Dark Space -II" transpire davantage le drone ambient que le Black Metal. Les non-initiés au Dark ambient crieront haro sur cette offense de 2024 mais les avertis eux sauront déjouer les pièges enlisants de leurs premières impressions. DARKSPACE s’est débarrassé des rythmes effrénés et des blasts hypnotiques pour magnifier les ambiances à l’instar d’entités tels que VISIONS notamment les albums "Celestial Sphere" et "Summoning The Void", le "Somnia" de l’excellentissime SHRINE ou bien encore certains opus de INADE et de BAD SECTOR. D’ailleurs pour compléter les références et oser s’approcher du vide et embrasser l’immense infini, je ne peux que vous conseiller l’écoute attentive de l’unique album d’un side-project de Brian « Lustmord » Williams, ARECIBO : "Trans-Plutonian Transmissions". Tout cela pour vous dire que DARKSPACE sort un album expérimental d’un Ambient Metal avant-gardiste aux consonnances Black Metal marquées et éclairées. Si vous appréciez le "Lady In the Lake" de NEMORENSIS que je vous ai récemment chroniqué, plongez dans l’aveuglement de "Dark Space -II", ce voyage captivant vous rendra captif de ces sons qui s’égrènent comme autant d’échos meurtris et de bruits

Si les vingt premières minutes constituent l’introduction ténébreuse des vingt suivantes, elles plantent un décor riche de sons planants, rauques, remplis de souffles cosmiques et de chuchotements enténébrés de Yhs. La seconde partie de l’album est encore plus dark et virevolte vers différents enfers. Ce titre unique à l’instar de "Hin" de TRIST sur l’album "Hin-Fort", forme l’aboutissement sonore de la métaphysique du vide céleste. Nous ne sommes pas seuls, voyons concédons-le. Notre existence n’est qu’un épiphénomène sans réelle importance face au multivers quantique. DARKSPACE l’aura bien compris, ses boucles sonores qui dérivent à l’infini épousent avec une grande férocité et une grand avidité les monticules vivants que nous sommes. Si "Dark Space -II" nous survivait, il serait le témoin de notre pulvérisation ou tout simplement le terrible décompte final de notre dernière tragédie. Aussi loin que s’essaime les tessitures sonores, les hurlements de Zhaaral ou de Wroth, les bruits parasites, les mouvements de magnitude, les craquements et les écartèlements, DARKSPACE nous sort non pas la suite des quatre premiers albums mais bien le virage que j’attendais tant. Laissez-vous happer et digérer par ce monstre de 47 minutes, vous rejoindrez par la même l’unique possibilité de prolonger l’existence, celle de rejoindre le couloir intersidéral qui vous conduira vers votre autre néant.