Plus de doute possible, la machine DARKSPACE est lancée. Le troisième album du trio suisse, distribué par Avantgarde Music, un label beaucoup moins obscur que le précédent, est bien visible dans votre rayon metal préféré, le groupe fait parler de lui à intervalles réguliers et commence à gagner en notoriété. Tout cela est bien mérité, car DARKSPACE a sa place au sein de l'univers black metal, tant sa musique est personnelle, extrême et envoûtante. Ces longues plages de pures ténèbres, à la fois minimalistes et terriblement riches, ces ambiances glaciales et futuristes, qui font voyager dans les recoins les plus sombres et inhospitaliers de l'univers... Espérons d'ailleurs que le groupe organise des concerts en France, l'expérience est paraît-il unique.

Dark Space III, donc. Pochette très épurée, titres toujours aussi intrigants. Dark Space II s'était achevé sur 2.10, la descente aux Enfers commence naturellement par 3.11 : la logique ne change pas, aussi froide et implacable qu'auparavant. A ce propos, le nombre de pistes a été ramené à sept, comme sur le premier opus. Au niveau de la construction, on est donc plus proche de Dark Space I. Les chansons durent approximativement entre onze et dix-sept minutes, à l'exception d'un interlude atmosphérique de trois minutes.

Pour sa collection été 2008, DARKSPACE opte pour une solution sage, réemployer ce qui a fait la réussite des deux premiers albums, avec davantage de maîtrise. Et là, c'est le drame : soudain, je ne sais plus vraiment de quoi parler, la gêne s'installe. On me souffle dans l'oreillette « parle de la musique, t'es là pour ça, non ? ». Oui, bien sûr, la musique, où diable avais-je la tête ? C'est bien là le problème, elle est excellente, mais je serais tenté de vous renvoyer à mes chroniques précédentes pour de plus amples descriptions. Eh oui, DARKSPACE déborde de talent, mais semble ne pas aimer outre mesure la prise de risques. Dark Space I faisait figure d'inédit, Dark Space II de confirmation d'une forte identité sous une forme différente, trois chansons-fleuves dont une totalement atmosphérique. Du coup, je reste dubitatif. Qu'est-ce que ce Dark Space III ? Ni plus ni moins le meilleur album du groupe. Je n'ai pas parlé de maîtrise pour rien : nos trois sorciers savent ce qu'ils font et dirigent cette symphonie de noirceur d'une main de fer, avec détermination et subtilité. Un équilibre parfait, en somme.

Pourtant, ce manque d'innovation me chagrine. Il ne nuit absolument pas au disque, mais éveille quelques craintes concernant l'avenir : et si DARKSPACE avait l'intention de se répéter inlassablement ? Bon nombre de riffs laissent une désagréable impression de déjà entendu... Quelques changements sont tout de même à relever, notamment au niveau du son, qui paraît légèrement moins froid et plus organique. Les cris sont plus audibles, davantage mis en avant, certaines nappes de synthétiseur semblent moins lointaines ... Dark Space III est moins glacial que ses aînés, mais cette hausse de la température est trompeuse : la bête est aussi vicieuse qu'auparavant.

DARKSPACE atteint une nouvelle fois l'excellence : sans doute l'une des meilleures sorties de 2008, à condition bien sûr d'apprécier cette musique si particulière. Cependant, si le groupe parvient encore à impressionner, il peine cette fois à surprendre. Rageant. Mais oubliez donc ce que je viens de dire, ruez-vous sans plus tarder sur ce diamant noir et laissez-vous envahir par sa folie.