Darkspace, c'est l'histoire d'un citoyen de la Confédération Helvétique, nommé Tobias Möckl. Tobias a deux grandes passions dans la vie : la musique et le froid. Et, pendant que certains de ses compatriotes mélangent avec amour le chocolat et le lait pour un résultat délicieux, Tobias, plus inventif, prend plaisir à mêler froid polaire et musique ténébreuse.
Le premier résultat de ce mariage des saveurs est le très envoûtant projet PAYSAGE D'HIVER, qui laisse l'auditeur perdu au milieu d'un blizzard livide et glacial.

Mais un jour, Tobias, devenu Wintherr, homme-orchestre de PAYSAGE D'HIVER, s'est très certainement abîmé dans ses réflexions et en a retiré la conclusion suivante : l'hiver, c'est froid, d'accord, mais la Scandinavie impose sa loi sur cette saison tant chérie, à grands coups de bêtes du blizzard au cœur de l'hiver sous une lune qui gèle. Conscient de cette dure réalité, il sombre dans une profonde mélancolie et, non sans déchirer méticuleusement de petits morceaux de papier, échafaude un plan diabolique qui ferait ravaler leur orgueil à tous ces mangeurs de hareng.
Car il existe une chose bien plus froide que l'hiver : le vide spatial, qui affiche un magnifique -273,15°C dans ses meilleurs jours. Autant dire que les négociants en pétrole, bien qu'ayant déjà voyagé dans l'espace (on pensera à ARCTURUS ou LIMBONIC ART, par exemple), ne se sont jamais aventurés dans des contrées aussi inhospitalières.

Tobias, rebaptisé Wroth en hommage à un ancien dieu mangeur d'étoiles, peut à présent savourer sa vengeance. En 2002, accompagné de ses amis Zhaaral et Zorgh, il sort la démo de son nouveau groupe, DARKSPACE, sobrement intitulée Dark Space -I, et comprenant deux morceaux, Dark -1.-1 et Dark -1.0. Je vous avais prévenus, c'est sobre. Déshumanisé, même. Pas de noms à rallonge censés louer la majesté du ciel nocturne, juste des fichiers rangés les uns à la suite des autres. Oui, une tracklist de DARKSPACE ressemble à une nécropole binaire. En plus mortuaire, toutefois.

Et, si le zéro absolu n'est pas encore atteint, cette démo, dépassant tout de même les 25 minutes, présente une maturité certaine. Le style du groupe est déjà bien en place, et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'il fait sombre, diablement sombre.
Les guitares sont tranchantes comme des lames de rasoir, distordues et torturées, une batterie programmée se mue parfois en beats électro, de discrètes nappes de clavier accompagnent un ensemble hanté de temps à autres par des voix malsaines et lointaines, évoquant des spectres condamnés à errer dans le noir. Une première piste d'abord agressive, puis plus lente et atmosphérique, une seconde qui commence et s'achève sur un monologue toujours aussi fantomatique et fait la part belle aux rythmes rappelant une marche funéraire.

Comme le dit la voix à la fin de la démo, dans un dernier soupir : "there was darkness". Et ce n'est que le début...