Le Japon est un pays… fascinant. Pas toujours pour le meilleur d’ailleurs. On peut même dire qu’ils ont parfois de sérieux problèmes, mais comme c’est Japonais, c’est cool, pittoresque, charmant (1). Parmi leurs délires assez étranges, il y a les fameux Maid Cafés, des endroits où vous êtes accueillis par des hôtesses déguisées en soubrettes et qui vous appellent « maître » ou « princesse » en fonction de votre sexe. Tout un pan du manga a pour thème d’ailleurs les maids, qui apparaissent souvent comme un fantasme étrange. BAND-MAID joue sur cette culture, du fait que Miku, l’une des guitaristes, a fait ce boulot avant de monter le groupe en 2013. "World Domination" est leur deuxième album et reprend là où "Just Bring It" s’était arrêté.

Jetez un coup d’œil rapide à la pochette somme toute sobre, avec ce nœud blanc sur fond noir. Rien de bien méchant, mais le ruban rappelle des éclairs et par extension, l’électricité. Et effectivement, les cinq jeunes filles savent l’utiliser ! Leur disque dépote de façon assez sévère. Nous ne sommes pas dans un registre Power Metal ici, même si certains titres sont plutôt rapides, mais plutôt face à un hybride assez intéressant entre un Heavy Metal puissant et euh… quelque chose de plus Pop qui rappelle par moments Avril Lavigne à travers des refrains bien envoyés qui restent bien en tête. Un mariage pour le moins étrange, mais qui ici fonctionne de façon satisfaisante.

Après, certains passages, certains faits attestent des origines japonaises des musiciennes. La voix de Saiki Atsumi (tout comme celle de Miku Kobato) n’est pas sans rappeler celles des chanteuses qui s’illustrent sur les génériques d’anime un peu dynamiques. Leurs tenues de scène également, qui participent au folklore qu’elle construise autour d’elles. Mais l’approche de l’anime n’est pas entièrement fausse. Les titres sont plutôt courts, très directs et ont parfois un petit côté épileptique juste ce qu’il faut pour attirer l’attention plus de trente secondes.

Mais même sans cela, il y a fort à parier que nombreux sont ceux qui auront écouté le disque avec un brin de surprise et de curiosité. Les différents mondes qu’elles développent s’entrechoquent sans créer de remous fatidiques, l’ensemble est plutôt équilibré et il déborde de petites trouvailles qui vont bien. Il est cependant assez délicat de faire des parallèles avec d’autres groupes (à l’exception étrange d’Avril Lavigne qui m’est rapidement venu à l’esprit en écoutant la formation), tant elles ont construit un univers qui leur est propre et mouvant, en constant mouvement.

On appréciera alors l’entame du disque, bien rentre-dedans à l’instar de "Play", solide dans le genre et agressif juste ce qu’il faut, on sera bien plus étonné par "Fate" et son aspect plus Thrashy, mené par la basse épaisse de Misa, qui laisse place à une mélodie toute mignonette. La ballade "Daydreaming" lorgne quelque peu du côté de X-JAPAN avec son piano qui s’incruste gentiment tandis que "ハニー" et son introduction plus électro étonneront davantage. En revanche, il s’agit là d’une reprise, qui n’est pas disponible sur tous les supports de l’album.

On reprochera en revanche au groupe d’avoir délayé la sauce un peu trop et – c’est un comble – de s’être montré trop généreux en termes de contenu. Le disque aurait tranquillement pu s’arrêter à "Daydreaming" sans que personne ne crie au scandale, les morceaux qui suivent étant parfois un peu mous, parfois des réminiscences de titres proposés un peu plus tôt dans les faits et les intentions, où les éléments qui sortent du lot sont bien remis en avant (comme cette basse très inspirée par MAXIMUM THE HORMONE qui revient sur "Dice").

Cependant, les jeunes filles tirent leur force de leurs compositions souvent assez courtes, qui vont droit à l’essentiel sans trop se formaliser des fioritures. Beaucoup de choses se passent au moment des introductions, qui présentent des accroches efficaces, cela peut varier par la suite, il peut y avoir des moments plus calmes, des soli étrangement speed qui viennent booster des morceaux qui vivent par leur aspect Heavy. Elles jouent également sur des clichés du genre, reprenant divers aspects de la J-Rock comme autant d’agrès imposés par la FJMPPO (2), les incorporant dans leur musique le plus naturellement possible.

Et effectivement, pour les occidentaux qui n’ont pas trop l’habitude de cet univers parfois très… euh… farfelu, BAND-MAID sonne assez frais et contenant assez de repères évidents pour que nous ne soyons pas perdus. "World Domination" s’écoute très bien, sans le moindre déplaisir même si tout n’est pas parfait (l’intro de "Spirit !!" sonne tellement comme un générique d’anime qu’on serait tenté de fouiller le web pour savoir si ce n’est pas le cas. Ne le faîte pas, ce n’en est pas un). La question qui se pose toutefois réside là : y-a-t-il une personnalité derrière tout cela ? Réponse dans les prochaines chroniques.

Le groupe commence doucement à s’exporter, il est apparu dans "Kate", sur Netflix et le titre "Choose Me" figure au générique de la série "Peacemaker". Quand on voit le pouvoir des séries sur le streaming aujourd’hui, nous pouvons supposer que les filles feront très bientôt parler d’elles à l’international, mais peut-être de façon moins tranchée que BABY METAL. BAND-MAID est donc une formation à suivre ou au moins à découvrir. "World Domination" est peut-être un peu présomptueux comme titre d’album, mais il fait le job. En tout cas, sur scène, ça dépote méchamment.

(1) Je te connais. Je sais que tu as des animes pornos nippons chez toi, vieux pervers.
(2) Fédération Japonaise de Musique Pour Plaire aux Occidentaux.