En tant que stakhanovistes, les filles de BAND-MAID débordent toujours d’activité, ce qui leur permet de tourner, composer et enregistrer à un rythme effréné, à l’instar de ces mangakas qui ont des délais de publication infernaux. Cependant, et c’est là une des forces du groupe, rares sont les écueils dans une discographie qui devient de plus en plus fournie. Les MAIDs venaient juste de se remettre de la déflagration qu’elles avaient provoquée avec "Unseen World" que déjà elles remettent le couvert avec un mini-LP à la pochette qui nous invite à une plongée dans les eaux turquoise. Enfin, si vous avez lu "Gyo" de Junji Ito, l’envie vous passera peut-être.

"Unleash" se veut moins nerveux que "Unseen World", autant le dire tout de suite, bien que l’on reconnait immédiatement le groupe. Il y a cette touche très Heavy Metal qui ressort rapidement, alliée à des phrasés parfois plus Pop qui fonctionnent bien. Soit une formule testée et approuvée depuis quelques années déjà. Mais cela n’empêche en rien les filles de trouver des approches originales pour leurs compositions, histoire de ne pas tourner en rond. Sur vingt huit minutes, ce serait rédhibitoire. Au contraire, elles font respirer leur musique, elles se font surtout plaisir et cela s’entend. À ce niveau, après des années à jouer ensemble sans jamais connaître de mouvement de personnel, nous sommes au-delà de la complicité, nous arrivons à une espèce d’osmose entre les musiciennes.

Une fois de plus, le style est très direct, la plupart des morceaux durent moins de quatre minutes (seul "I’ll" dépasse cette frontière symbolique d’ailleurs), la formation va droit au but, avec cette frénésie qu’on leur associe volontiers sans que cela ne soit une tare. Au contraire, cela fait ressortir tout le dynamisme des compositions où ne pointe aucune ballade. "Unleash", c’est de l’intensité. Pas forcément en continu, il y a ces petits passages plus Pop qui fonctionnent bien et proposent des pauses salvatrices face à cette déferlante, mais clairement les filles ne nous convient pas à jouer à la dinette.

L’EP/mini-LP commence par un instrumental et termine par un autre, qui s’est vu affublé de chant (et qui de fait n’est plus un instrumental. Vous suivez ?). Cependant, "From Now On" nous ferait presque douter de l’absence d’Atsumi dessus ; ce n’est pas un morceau réellement démonstratif, ni une figure de style pour shredder assermenté, on devine clairement que cela a été composé comme une chanson classique, qui n’attendraient que des paroles qui ne viendront pas. L’effet est plutôt réussi et cela permet de bien appréhender un "Balance" qui nous prend gentiment à contre-pied avec sa rythmique plus Rock’N’Roll.

Bien que les titres n’ont pas été composés à la même époque, ils se marient plutôt bien et le rendu est plutôt homogène dans l’ensemble. Bien entendu, il y a des passages qui se retiennent mieux que d’autres, d’autres qui demandent un peu plus d’attention car ils peuvent être redoutablement foisonnants. Bien que jouant sur des formats courts, les filles semblent refuser la voie de la facilité et explorent différentes pistes au sein d’une même composition pour un séquençage habile, la trame principale n’étant jamais bien loin. Non, BAND-MAID n’a pas viré Progressif, mais le bagage technique des jeunes femmes s’est considérablement étoffé avec le temps, elles gèrent les enchaînements avec une facilité bluffante.

Mais surtout, elles ont des idées. Et souvent très bonnes. A ce titre, la section rythmique s’illustre particulièrement. J’ai souvent évoqué la basse de Misa comme étant très présente, lourde et groovy, conférant une épaisseur de son non négligeable à BAND-MAID, mais le travail effectué par Akane Hirose derrière les fûts a bien droit à quelques éloges. Son approche de l’instrument est intéressante, on sent une influence VAN HALEN par instants ("Balance"), mais elle envoie sec ("Unleash!!!", "Hate?"), quand elle n’impressionne pas par sa créativité. Ainsi sa prestation sur "Influencer" est absolument remarquable, elle sonne l’impression de suivre les lignes de chant d’Atsumi, se forçant ainsi à adapter son rythme à l’évolution des mélodies vocales qui, bien entendu, sont ici plutôt versatiles.

Alors certes, vous allez me dire que le format est un peu court, que huit titres, dont un instrumental, c’est finalement pas grand-chose à se mettre entre les oreilles, surtout que la demi-heure n’est pas officiellement atteinte. Cependant, absolument rien n’est à jeter là-dessus. "Unleash", c’est comme une pièce de bœuf soigneusement parée par le boucher : le surplus de gras a été retiré, seul celui qui persille la viande a été gardé. "Unleash", c’est un peu la quintessence du style BAND-MAID, très décomplexé, puissant et frais sans forcément être novateur. Les soli sont courts ? Ils se suffisent à eux-mêmes, Kanami Tōno ne partant pas dans de longs monologues, préférant rester dans des formats courts qui permettent de rapidement enchaîner avec des riffs assassins.

"Unleash" n’est pas que le complément idéal d’"Unseen World", il en est, quelque part, un épilogue de luxe, qui permet de clore un chapitre de la carrière des MAIDs en beauté. Cet EP offre une porte d’entrée plus qu’idéal dans l’univers des jeunes japonaises puisqu’il va avoir quelques réminiscences du passé habilement fondues dans des compositions plus actuelles (difficile de ne pas retrouver du "Alone" dans "Corallium" par exemple) tout en proposant des titres accrocheurs, souvent très speed et d’une richesse que l’on ne soupçonnerait pas d’entrée de jeu. "Unleash" n’est pas qu’une parenthèse avant la nouvelle ère qu’ouvre "Epic Narratives", c’est une œuvre à part entière, à ne surtout pas négliger dans la discographie de BAND-MAID.