Sur la lancée de son très bon cinquième album – "Fourth Reign Over Opacities And Beyond" – sorti aux derniers jours de l'été 2022, ACOD a eu tôt fait de revenir aux affaires. Au cœur de l'hiver suivant, v'là-t-y pas que nos Marseillais de l'extrême déboulaient déjà pour nous remettre une couche de leur efficace Death/Black Mélo aux touches Sympho. Et malgré les quelques mois écoulés depuis la sortie de son grand frère, l'E.P. "Cryptic Curse" donne l'impression que le temps a suspendu son vol, tant le contenu musical des deux ouvrages est lié. Si bien qu'à l'écoute des trois titres de ce nouveau disque, l'on a le sentiment d'écouter un appendice de "Fourth Reign…" D'autant que le rendu sonore est totalement semblable, compte tenu du fait que le mixage et la masterisation sont une nouvelle fois les œuvres respectives de Linus Corneliusson et Tony Lindgren, aux manettes des Fascination Street Studios.

Là où les choses diffèrent – et encore, à la marge – c'est du côté de l'artwork. Pas de peinture de Paolo Girardi cette fois, contrairement aux deux précédents longue-durée, mais une illustration signée Mark Erskine, talentueux multi-instrumentiste arménien à qui l'on doit également la pochette de l'excellent "Emergence" de SYMBOLIK, entre autres. Un parti-pris heureux, à mon sens. Car si le style paysager baroque de l'artiste italien n'a pas son pareil pour dépeindre l'atmosphère générale du style ACOD depuis la sortie de "The Divine Triumph", il rechigne un peu trop souvent à focaliser sur certains éléments de détail, comme il a pu le faire sur "To Kill A King" de MANILLA ROAD, par exemple, pour citer l'un de ses travaux les plus fameux. Tandis qu'Erskine, sans rompre totalement avec les œuvres de son prédécesseur, parvient à nous plonger dans une scène précise de l'Enfer narré par ACOD.

En nous invitant à suivre cet immaculé démon ailé à travers les deux arcs antiques qui ornent son tableau, Mark Erskine affiche la même intention qu'ACOD avec cet E.P. : pénétrer plus profondément encore dans les entrailles infernales qui servent de cadre à la musique des Marseillais. Car, oui, "Cryptic Curse" nous invite à explorer encore plus assidûment les recoins désolés de son Enfer. Et cela commence bien, avec un "The Hourglass Slave" dans la droite ligne des morceaux de "Fourth Reign Over Opacities And Beyond". Voici une compo ou, encore une fois, ACOD donne aux guitares la priorité, avec un côté Heavy prononcé, et où les nappes symphoniques viennent seulement accentuer certains passages, leur donner ce surplus d'atmosphère bienvenu. Comme pour dramatiser les moments narrés.

L'efficacité d'un tel morceau a dû rendre la tâche bien compliquée à ACOD au moment de fixer la tracklist définitive de "Fourth Reign…". Et il en va de même pour "The Mask Of Fate", sculpté dans le même Blackened Melodeath heavysant que le tube "The Prophecy Of Agony", même s'il n'est pas aussi accrocheur. L'on se rend compte, à l'écoute de cet E.P., qu'ACOD a été confronté à un problème de riches lors des sessions d'enregistrement de son cinquième album studio. Il a fallu faire des choix forts et c'est aussi pour ça que "Fourth Reign Over Opacities And Beyond" était aussi bon. C'est pour la même raison que ce CD 3-titres l'est également, car les trois compos qu'il renferme ne donnent jamais l'impression d'être laissées-pour-compte.

La décision de les sortir moins de six mois après l'album auquel ils renvoient était judicieuse car l'E.P. apparaît vraiment comme un opuscule complémentaire à l'ouvrage majuscule qui l'a précédé. Tout en majesté, le morceau-titre, "Cryptic Curse", clôt les débats sur le sentiment qu'ACOD en a encore sous la pédale et que les portes de son Enfer ne sont pas près de se refermer. Côté auditeur, jouer les deux disques l'un à la suite de l'autre est la garantie d'une session d'écoute cohérente et encore plus immersive, un peu comme lorsque l'on regarde un film en version longue mais que le director's cut était la version sortie en salle. Chacun des deux montages a été validé par l'auteur lui-même et ce constat est particulièrement satisfaisant lorsque la dernière note de "Cryptic Curse" retentit. Pour ça, merci ACOD et encore bravo.