Tommy Johansson est un bonhomme très occupé. Après avoir repris le poste laissé vacant par Thobbe Englund au sein de SABATON, effectué des piges à droite à gauche (MAJESTIC VANGUARD, ROYAL JESTER, il aussi dépanné TWILIGHT FORCE en live), sorti deux "Swedish Hitz Goes Metal", REINXEED, son projet principal ne semblait pas voué à percer. Et pourtant, profitant de sa nouvelle notoriété durement acquise, Tommy est revenu avec un REINXEED rebaptisé MAJESTICA en signe de nouveau départ.

Et comme le Leslie West du Power suédois n'est toujours pas feignant (il vient de chanter sur le remarqué premier opus de MEMORIES OF OLD), il revient un an après "Above The Sky" pour sortir ce qu'il prévoyait de faire depuis longtemps, et que l'arrêt brutal des concerts a rendu possible, l'écriture d'un album de Noël. Y a toujours de quoi être inquiet quand des artistes de Heavy Metal, une musique qui se prend bien plus souvent au sérieux qu'elle n'y paraît, se frottent à l'exercice (ne me parlez pas de TWISTED SISTER ou d'HALFORD pitié).

Pourtant il y a sur "A Christmas Carol" une œuvre parfaitement pensée pour l'occasion, thématique puisqu'elle prend le parti de proposer une nouvelle adaptation du célèbre roman de Charles Dickens – "A Christmas Carol" dans la langue de Shakespeare, sous la forme d'un album de Power Metal qui empruntera à vingt chants de Noël et ornementera ses arrangements de divers grelots et subterfuges qui, dixit Tommy Johansson, sont assez simples pour donner une couleur "Noël" à une musique déjà composée et qu'on a "plus qu'à" thématiser.

Mais le plus gros du boulot a été de transformer le conte en un album de Power Metal qui n'oublie pas les ornementations que l'on s'attend à écouter, mais aussi de le rendre vivant. Et pour cela, outre le personnage central d'Ebenezer Scrooge, interprété par Tommy Johansson, chaque membre du groupe vient donner de la voix pour interpréter les autres protagonistes accompagnés de trois vocalistes additionnels intervenant pour donner corps aux personnages de Bob Cratchit, Jacob Marley, du Businessman, ou de l'Esprit. Ce qui fait de cette interprétation du conte de Dickens une quasi comédie musicale, dans un style TSO revu à la sauce XXIème siècle, le summum du théâtral arrivant sans doute sur "Ghost Of Christmas To Come" presque NIGHTWISHien à certains égards.

Si les dernières sorties du collectif américain trahissaient un essoufflement de la belle idée de départ, elle est définitivement enterrée par le décès de Paul O'Neill, ce disque de MAJESTICA est une complète réussite, je dois bien me rendre à l'évidence. Et puis si vous me casez le "Joy To The World" d'HAENDEL et "Minuit Chrétiens" au milieu, je suis le plus heureux des grands enfants attendant Noël avec impatience !

Si je devais faire un poil d'analyse critique, je dirais que tous les vocalistes ne sont pas au même niveau mais livrent tous une prestation honorable, mention spéciale à Tommy, qui dès le premier titre chanté, enfonce la stratosphère avec aplomb (ceux qui étaient au Hellfest en 2019 avaient déjà pu se rendre compte des aptitudes surprenantes du grand blond, capable d'assurer au débotté devant des milliers de personnes), et d'une manière générale le dialogue fonctionne bien. Pour coller au côté Noël, pas mal d'harmonies majeures, auxquelles on n'est pas très habitué (y compris dans le Power) rendent le disque hyper lumineux (certains diront niais).

Et ce n'est rien à côté du travail sur la partie musicale, largement à la hauteur et plus, sans quoi "A Christmas Carol" ne tiendrait pas plus de deux titres. Admirez le boulot d'écriture sur un titre comme "Ghost Of Christmas Past" avec ses guitares virevoltantes.

Certains en rêvaient-ils ? Je ne sais pas, mais pour l'une si ce n'est la toute première fois, je peux dire qu'un très bon album de Noël est sorti des arcanes Metal, venu d'une contrée où la Saint Nicolas et la Sainte Lucie sont des fêtes toujours très célébrées et suivies (notamment la Sainte Lucie avec ses cortèges de bougies et ses chœurs de Noël), la Suède était peut être bien le meilleur endroit pour voir émerger de la botte du Père Noël "A Christmas Carol", un album assez unique dans son traitement, et intrinsèquement bon, en dehors même des emprunts bien intégrés à ces chants traditionnels connus depuis notre tendre enfance.