Al Qassam. Le Serment.

Serment de foi, serment de qualité. Chez les Québécois d'AETERNAM, ce serment prononcé devant l'autel de l'authenticité, est respecté depuis les premiers hurlements bestiaux, les premières inflexions costaudes, les premiers élans arabisants, les premières mélodies appelant au calme et au recueillement gravés sur "Disciples Of The Unseen".

Quatre albums plus tard, les quatre zicos rendent hommage à une culture musicale absolument admirable en créant des fresques enluminées et faramineuses. De la force, de la beauté, de l'émotion, un bouquet charmant l'aventurier au cœur le plus dur. Il aurait été si facile de sombrer dans le cliché du groupe oriental dominé par un basané (ici le chanteur et guitariste rythmique Achraf Loudiy) et simplement complété par trois blancs suiveurs. Et ben cette fois-ci, faudra remettre les pendules à l'heure, car Babylone n'a pas poussé en quelques ensemencements basiques… AETERNAM est un combo riche, dont les membres principaux jouent ensemble depuis au moins 2012, soit l'année de sortie du second skeud "Moongod", et dont la passion pour les accents prononcés du Moyen-Orient est drastiquement ancrée.

Et cela n'est pas juste encré sur papyrus, ces prophètes de bonheur se font entendre comme l'autre barbu sur la montagne ! "Al Qassam" est leur album de la maturité et de la prise de risques, autant au niveau de la technique d'enregistrement que de la préciosité harmonieuse. Vous avez été nourri à ORPHANED LAND, THERION ou, dans un registre plus extrême, à MELECHESH, NILE ou ROTTING CHRIST ? La créativité métissée et Folk de ces pointures vous parle ? Le Death Sympho/Mélo arabique d'AETERNAM projeté sur cette quatrième confession vous convaincra définitivement que ces Québécois ont cultivé leur terrain de prédilection.

That's dark epic persian shit, baby devil...

Chaque grand album, car "Al Qassam" en est un, possède une strate d'alluvions qui lui permet de se vautrer comme un porcelet bien gras dans le caviar. Ce puits d'eau claire chez AETERNAM est notamment rempli par une série d'artistes invités dont le seau est bourré à ras-bord d'un talent unique. Que ce soit ces demoiselles à l'erhu (violon oriental) ou à la flûte, ce type de soixante balais, collectionneur et joueur de percussions, ce violoniste virtuose ou cet autre quarantenaire qui s'essouffle au trombone et qui, comble du potinage, est le patron du batteur Antoine Guertin dans la vie quotidienne, vous avez un éventail bigarré extraordinaire qui pimente la galette.

Et finalement, cerise sur le sundae, un guest de taille qui prête sa voix sur la douce "Palmyra Scriptures", Kobi Farhi d'ORPHANED LAND. Si cela ne s'appelle pas de l'artillerie lourde en renfort, je ne m'avatarise pas Mefisto… Enfin, vous avez compris. Je vous invite à aller jeter un œil à leurs studio reports sur YouTube, c'est très amusant…

Le résultat est un album de quarante-quatre minutes sur lequel on ne baille ô grand jamais ! Le premier extrait, la pièce-titre rentre-dedans, a donné un bon avant-goût de la direction artistique de "Al Qassam", mais attention ; les Québécois manient aussi bien les passages éthérés et les arrangements que les descentes de manche. Cette dualité dorée est le principal atout de la formation, qui ne se gêne pas pour alterner riffs diaboliques et élans suaves, toujours sous ce chaud soleil d'Arabie que l'on imagine scintillant comme une étoile. N'oublions pas non plus la Lune, égérie de l'excellente "Lunar Ceremony", qui montre le visage mélodique d'AETERNAM sous son meilleur profil. Épique à souhait !

"Al Qassam" est avant tout un voyage au cœur d'un univers singulier, mais ultra connu et dépeint à travers les époques par nombre d'artistes de tout acabit. Enthousiasmer son auditoire devient alors une tâche colossale, car les connaissances générales sont grandes et les attentes, élevées. Aussi un morceau aussi viandé et ambiancé que "Ithyphallic Spirits Of Procreation" est-il le bienvenu pour rameuter les brebis qui se seraient peut-être égarées après les trois premières salves. Cette bombe est puissante et dépaysante de la tête à la queue et prépare parfaitement pour la seconde moitié, après l'éblouissante "Palmyra Scriptures". Frissons de chaleur…

AETERNAM ne ralentit pas la cadence après avoir visé si juste pendant vingt-trois minutes, ce qu'on ne pouvait pas toujours dire de ses sorties précédentes. Il nous réserve encore de jolies et brutales trouvailles, dont ce bridge éthéré fermé par solo sur "Hanan Pacha", ce mix merveilleux d'instruments et le refrain sur "Celestial Plains" et la splendide clôture "Poena Universi", sur laquelle le groupe pousse le bouchon cinématographique à une coche jamais atteinte. "Al Qassam" n'aurait pu mieux s'achever avec ce ver d'oreille, ce mirage ondulant jusqu'au bout des rêves.

La magie d'une telle création s'opère également dans le potentiel de réécoute infini tellement AETERNAM multiplie les décors somptueux sur "Al Qassam". On a constamment envie de retourner s'y perdre, qu'on apprécie de bonnes pioches telles que "Ascension" ou les rivières satinées que les Québécois font couler de source sûre dans nos pavillons hypnotisés.

Petit mot en terminant sur la qualité de l'enregistrement : rien à redire, Antoine Guertin et Christian Donaldson ont bûché dur pour immortaliser ces pépites au fin détail près. La production est juste assez décadente, sans trop péter, ce qui confère au bouzin un aspect humain qu'on apprécie. Il est si facile de se distancer de son public en boostant son matériel… Heureusement qu'AETERNAM a laissé la robotique de côté pour demeurer accessible, malgré le ploumploum scandé par sa musique.

Un must pour tout mordu de Metal oriental/arabique/symphonique, un divertissement de grande, grande classe. Que vous voyez attiré par la magnifique œuvre d'Eliran Kantor ou que vous sachiez déjà à quoi vous en tenir avec AETERNAM, vous ne perdrez pas une seconde de votre temps sur "Al Qassam".

Note : 4,5/5.

Podium : (or) "Poena Universi", (argent) "Lunar Ceremony", (bronze) "Ithyphallic Spirits Of Procreation".

Indice de violence : 2,5/5.