Chroniquer une discographie en ordre non chronologique est toujours bizarre, mais quelque part, c'est aussi intéressant, car les comparaisons sont beaucoup plus faciles à effectuer. Dans le cas d'IN VAIN, j'ai débuté par le deuxième, pour ensuite passer au troisième, une mouture plus resserrée du second, pour finalement aboutir dans les larges blocs de départ des Norvégiens. Et à l'instar de plusieurs groupes modernes, autant vous dire tout de suite qu'IN VAIN a joué le tout pour le tout, comme s'il n'y avait pas de lendemain à "The Latter Rain". On a donc droit à un album à tiroirs comme "Mantra", bien étalé sur 64 minutes. Un album à tiroirs au contenu aussi varié que puissant, aussi surprenant que mélodique.

En fait, "The Latter Rain" est un précoce témoignage de grandeur pour IN VAIN, que je considère parmi les meilleurs groupes de Black/Death/Prog de la planète. Bon, il n'y en a pas des masses, mais quand je pense à « formation qui envoie la sauce et fait planer, tout en bluffant l'auditeur à chaque tournant », la liste qui me vient en tête n'est pas longue. Les Norvégiens ont un style attachant et fédérateur, mais aussi subtil dans le fond même si la forme est plutôt éclatée. Sur "The Latter Rain", c'est encore plus vrai, car un premier album est souvent un gros foutoir mélangeant les germes d'un quelconque génie et une recherche de sens. IN VAIN nous a livré tout ça dans son baptême, en compagnie d'une dizaine de guests allant du violon à la trompette.

Signe que la formation a de la graine de champion dans ses shorts, on commence l'album avec probablement une des cinq meilleures pièces du groupe à ce jour, "In The Midnight Hour". Groove immense, mélodie harpon et sirupeuse, son du tonnerre, refrain imparable, on croirait entendre un vétéran. IN VAIN montre aussi sa polyvalence sur cette figure de proue, que ce soit au niveau du chant (Death, Black, Core et clair) ou des ambiances qui nous font passer de l'agression sans merci à un lyrisme plein d'espoir.

En confiance déjà, l'auditeur navigue par la suite à travers une mer agitée où il croisera des tempêtes de toutes sortes et des lames mortelles, entrecoupées de quelques passages ensoleillés atmosphériques (voire jazzés). L'imagination des Norvégiens est sans bornes et nous fait tourner la tronche sans arrêt ("October's Monody", "I Total Triumf" et "As I Wither" sont fameuses dans le genre « train sans freins »), en plus de nous la bourrer de sa propension progressive ("Their Spirits Ride With The Wind", "The Titan"). Et quoi de mieux qu'une sortie en « douceur » avec le duo de clôture, qui pose un léger baume sur les lacérations qu'IN VAIN nous a infligées tout au long de cette heure ? Non vraiment, il y a amplement à manger et tous les palais sauront y trouver leur compte.

Et comme l'histoire récente nous a démontré, IN VAIN a su capituler sur ce tremplin doré en exploitant la même formule sur "Mantra". S'il a réussi à mieux couper les mini-longueurs sur "Aenigma", le groupe n'a jamais perdu de sa fougue et de son hallucinant talent de composition.

"The Latter Rain" est un des premiers albums les plus impressionnants et les mieux produits que j'ai eu la chance d'écouter. C'est vraiment un signe que le destin des Norvégiens est brillant. Ils iront très loin, impossible d'en douter.

Note réelle : 4,5/5, comme les deux autres disques du groupe. Et si j'avais débuté mes chroniques d'IN VAIN par celle-ci, mon jugement aurait été le même et j'aurais ajouté que les Norvégiens aspirent à la note parfaite dans un avenir pas si lointain. Le futur me donnera sans doute raison.