Je dois souvent me pincer pour me convaincre que je ne rêve pas d'avoir la chance d'écouter autant de bonne musique. Ce n'est pas pour rien que je suis chroniqueur ; je ressens un besoin irrépressible de partager les trouvailles que j'effectue et, de l'autre côté du spectre, j'adore suivre à la trace certains groupes que j'affectionne particulièrement. Je les vois grandir, évoluer, parfois chuter, souvent atteindre des sommets de créativité. Plusieurs ont une ascension précoce et arrivent malgré cela à garder le cap en évitant les écueils.

IN VAIN est un brillant spécimen de jeune groupe dont les dispositions sont si impressionnantes qu'il défonce tout après seulement trois albums. Il a compris qu'avec la multiplication de la concurrence, faut pas traîner...

"Mantra", vous vous en souviendrez peut-être, m'avait botté solidement le derrière avec sa diversité, sa production irréprochable et ses mémorables pièces comme "Captivating Solitude", "On The Banks Of The Mississippi" ou "Dark Prophets, Black Hearts". Le groupe s'est fait reprocher de trop râteler large, les puristes auraient aimé que leur puissance soit mieux condensée. J'avais aimé l'hétérogénéité de "Mantra" et je dois avouer que "Aenigma" me plaît tout autant, même s'il est mieux « ramassé » et constant que "Mantra". IN VAIN a choisi de ne pas trop s'éparpiller dans les ambiances, même s'il revient avec ses chants Death, Black et Hardcore, sa guitare sèche et... son saxophone.

Et quand on est compétent comme les Norvégiens le sont, un album plus homogène et rentre-dedans est aussi bon. Oui, ces Norvégiens qui jouent comme des Suédois, ne semblent pas avoir de grandes failles dans leur armure blindée à moitié de Death Mélo et de Black. IN VAIN me rappelle la force d'un MARTRIDEN, autre bête Death Mélo/Black avec un léger penchant pour le Prog et la nouvelle vague de Death Mélo finlandais gonflé aux stéroïdes. Le résultat, surtout sur "Aenigma", est un album aux muscles saillants, en stainless steel, sur lequel il est difficile de laisser une égratignure.

C'est simple : IN VAIN offre avec ce disque une savante démonstration de force brute... avec des émotions. Il gratte comme un forcené ("Against The Grain", "Times Of Yore", "To The Core"), crée des tornades mélodiques qui arrachent les cervicales, mais arrive à nous arracher des frissons avec ses refrains chantés souvent en chœur, ses mélopées chargées d'espoir ("To The Core") ou ses belles trouvailles au clavier ("Culmination Of The Enigma"). Écoutez "Hymne Til Havet" et vous comprendrez tout, elle qui contient chaque élément du IN VAIN premier cru.

Ces sentiments contraires, donc complémentaires, donnent une saveur virale à "Aenigma", qui doit faire plus d'efforts afin de divertir que "Mantra", dont la construction appelait à la surprise. Ici, IN VAIN a consolidé ses acquis et les a sublimés.

IN VAIN nous prouve enfin que, même si la production béton dont il tapisse "Aenigma" l'a sûrement aidé à le rendre si réussi, il possède un don immense pour la composition. Il navigue en eaux troubles et arrive à retrouver son chemin à travers de lourdes et assez longues compos. Je citerais ici le superbe tremplin, "Against The Grain" et son riff épidémique, ainsi que "Culmination Of The Enigma", la pièce la plus impressionnante avec "Floating On The Murmuring Tide" en raison des mutations de tempo. Et ça, c'est sans compter sur les nombreux soli et riffs incendiaires qui font de "Aenigma" une source inépuisable de défoulement intelligent. Un pachyderme qui sait se tenir en cassant tout proprement. Un étrangleur qui ne laisse pas filtrer beaucoup d'oxygène, mais qui nous garde en vie à grands coups d'électrochocs.

Top : "Against The Grain", "Hymne Til Havet", "Culmination Of The Enigma", "Times Of Yore", "To The Core".

Note : 4,5/5, car aussi marquant que "Mantra", à sa façon.