Mes chers amis, par où commencer ?

Nous sommes ici en présence d’un véritable tour de force des Bavarois d’EQUILIBRIUM. Vous savez le coup de génie qui se manifeste aussi rarement que les pleines lunes de sang les 29 février par nuit d’étoiles filantes ? Car en termes d’héritage laissé par le line-up de ce "Sagas", on ne peut pas dire que les Allemands aient produit d’autres galettes anthologiques comme celle-ci.

L’album nous embarque pourtant dans un voyage de quasi quatre-vingt minutes (une heure vingt bordel !) avec un Folk Metal chanté intégralement dans la langue de Goethe… Disons qu’il ne part pas avec tous les arguments pour plaire au plus grand nombre. Comme quoi les apparences sont parfois belles et bien trompeuses.

Le Folk pratiqué par EQUILIBRIUM est alambiqué, puisant dans ses inspirations et un rendu assurément Black ("Verrat" en est un parfait exemple). Ce combo particulier de styles rend les morceaux singuliers, tapant allègrement dans les sept-huit minutes, sans donner des impressions de redondances ou de raccourcis de composition.

L’incisivité induite par le Black, couplée au chant très guttural d’Helge Stang et à la nature même de la langue germanique donnent beaucoup de corps aux titres, mais le style prédominant demeure le Folk Pagan, et apporte une atmosphère chantante, parfois légère, en témoigne l’utilisation éclectique d’instruments (flûte, violons et autres binious) ou de sonorités inattendues (cris d’animaux et autres). Cette ambivalence perpétuelle sur la première moitié de l’album jusqu’à "Heimwärts" met tous les sens en éveil pour tenter de déceler chaque information qui est débitée, car en plus de swinger (allons jusqu’à zouker sur "Unbesiegt"), la cadence n’est pas à la mollesse. Les gars d’EQUILIBRIUM sont habiles, car ils jouent inlassablement avec nos sentiments, frôlant parfois l’humour, mais sans jamais nous prendre pour des imbéciles et en profiter pour se complaire dans une forme de facilité sous couvert de gimmicks trop insistants ou grossiers. Cet album se respecte, et respecte ses auditeurs, tout en allégresse.

À ce sujet, la seconde moitié de l’album s’apaise quelques peu : exit les sonorités Black, EQUILIBRIUM se concentre sur l’aspect épique de sa musique, avec une instrumentalisation en cordes bien plus affirmée, et projetant l’auditoire dans de longs titres solennels et d’une noblesse impressionnante pour un deuxième album dois-je le rappeler ! D’ordinaire, je teste l’emploi du qualificatif "épique", tant il est galvaudé aujourd’hui sur les Internets, mais il s’impose en l’occurrence par nature sur ce skeud.

À l’image d’un "Time I" de WINTERSUN, la première écoute d’un bloc de "Sagas" peut paraître lourde à digérer, mais je ne me lasse jamais de le réécouter régulièrement dans sa globalité, sans ressentir la moindre longueur ou ennui. Les instrumentaux sont positionnés judicieusement et "Mana" pourra décrocher une petite larme pour les plus ouverts d'esprit d’entre-nous. Le process de création de cette œuvre a dû être pour les Allemands une expérience incroyable, car l’inventivité et la pluralité des morceaux, du plus brut mais efficace "Blut Im Auge" au plus éthéré "Heiderauche", en passant par des délirants "Snüffel" ou "Unbesiegt", il y en a pour tous les goûts.

Osez donc vous aventurer dans ce périple, le temps investi en vaut plus que la peine. Au risque d’aller dans l’anachronisme, c’est cet album qui était "Born To Be Epic". La dégringolade et la bascule commerciale d’EQUILIBRIUM est un pur gâchis.

Note réelle : Un 5/5 mérité de la première à la dernière seconde.

Morceaux préférés : Mon cœur saigne de choisir… "Verrat", "Die Weide und der Fluß", "Snüffel"