Parfois, l’œuvre la plus aboutie survient lorsque l’on s’y attend le moins. "What The Dead Men Say" est tombé comme un cheveu au milieu de la minestrone, alors que le monde entier était plongé dans l’incertitude d’une pandémie invraisemblable et l’incrédulité d’une population qui ne savait plus à quel saint se vouer, prêt à jeter aveuglément son dévolu sur Didier "Doc Emmett Brown" Raoult et ses airs de savant fou. J’avoue aisément que cet album m’a fait un bien fou dans ce contexte pourri, et cela participe peut-être à la note maximale que vous retrouvez en haut de cette bafouille.

Alors, mu par une conscience professionnelle à la hauteur de vos attentes, chers lecteurs, j’ai réécouté, encore et encore, à froid, à chaud, en courant, dans mon bain, dans les embouteillages, pendant l'acte, sur le trône, ce neuvième LP des Floridiens, pour finalement confirmer ma première impression : il s’agit probablement du meilleur effort de leur discographie, pourtant longue et riche en qualité, à défaut d’être homogène. Un album pour les gouverner tous ? Probablement.

Sur la lancée d’un "The Sin And The Sentence" qui annonçait un retour en force, sorti à peine trois ans plutôt, TRIVIUM enfonce le clou et tel SPINAL TAP, pousse tous les potards à 11. Plus violent incontestablement ("Amongst The Shadows & The Stones", "Bending The Arc To Fear"), le disque est également plus mélodique ("Bleed Into Me", "Scattering The Ashes") et accessible pour jamais. Un paradoxe peut-être ? Une réalité, sans conteste, si l’on considère qu’il brasse des influences allant du Heavy traditionnel, au Thrash, en passant par le Black ou le Prog'. En 2020, Matt et sa bande sont plus inclassables que jamais, et c’est tant mieux.

Outre les tubes ("Catastrophist", "The Ones We Leave Behind" ou encore le title-track), l’opus regorge de pépites cachées, de ponts mélodieux, de tabassages en règle, de subtiles variations autour d’un même thème. L’enchaînement "The Defiant" / "Sickness Unto You" est de haut vol, et réalisé par des professionnels aguerris (merci de ne pas tenter de reproduire la formule chez vous). La variété des voix apporte une texture formidable aux titres, Corey dans le growl, Paolo en clair, et Matt effectuant la liaison entre les deux. Les harmonies des guitares et la complémentarité du duo n’est plus à vanter, mais force est de constater qu’ils se sont ici sublimés. Enfin, comment ne pas citer Alex Bent derrière les fûts, tant celui-ci est instrumental dans le succès retrouvé du groupe, tant par son talent intrinsèque que par la personnalité qu’il confère à l’ensemble.

Bref, je ne trouve aucun défaut à cet opus, qui plus est d’une longueur idéale (à peine plus de 45 minutes). Coincé entre deux excellentes galettes, il règne malgré tout fièrement selon moi tout en haut de la pile. Et pour ne pas citer l’un de nos sages parmi les sages (mais un peu quand même) : "comme le savent les cinéphiles, il arrive souvent que le deuxième épisode soit le meilleur." Bien vu, T-Ray !