Depuis son irruption MGŁA persévère dans une même recette sans cesse perfectionnée, raffinée, distillée jusqu’à "Exercices In Futility", l’aboutissement, le couronnement, l’adulé, l’ultime, scruté dans ses moindres notes, son message définitif sermonné, psalmodié, adoré.

Lui succéder est une tâche impossible.

Et d’un certain côté nos Polonais n’y arrivent pas. Des premières écoutes anxieuses jusqu’à l’immersion totale et dévote on se rend bien compte que l’irrésistible élan pourvoyeur de frissons qui transformait "Exercices In Futility" en coup de force fédérateur et transcendant n’est pas là. "Age Of Excuse" tournera autour du pot jusqu’au final de "VI" qui lâchera enfin la bride pour un final fédérateur qui singe celui du précédent opus.

Successeur de son aîné, semblable à une bonne suite directe, "Age Of Excuse", à qui il était interdit par principe de transgresser à la recette, se fera pourtant une place, intelligemment, là où il peut.
Car d’un autre point de vue il est meilleur et remplit parfaitement sa tâche.
Après des années de concerts à galvaniser les fidèles où convertir les néophytes, les Polonais ont sans doute évolué wen tant qu’artistes et performers. Ainsi la nouvelle offrande semble s’être encore perfectionnée, que ce soit l’exécution, la technicité ou la sonorisation. La production semble encore plus idéale, le jeu extraordinaire et subtil de Darkside est à la fois encore mieux mis en valeur tout en donnant l’impression d’avoir encore monté son niveau, ses cymbales ponctuant chaque détail, apportant un élan dynamique et expressif.
Comme pour le dernier KRIEGSMASCHINE, on peut passer l’album entier à écouter son jeu.
Il en va même de la composition qui semble un tantinet plus subtile. Ce qui est certain c’est que l’œuvre est plus homogène et s’écoute en boucle sans aucun écœurement ni envie de sauter de plage.

Alors oui, le grand frisson est plus tout à fait aussi évident. Les Polonais ne pouvaient pas refaire le coup d’un premier titre à la montée irrésistible. Difficile de sortir du piège de la redite sans se désamorcer d’entrée. Ainsi "I" va tenter de monter autrement et c’est un peu sans crier gare que le cocktail tant attendu du blast et son trémolo se glisse.
Alors oui, la structure de l’album recopie celle du précédent, un premier titre en montée de kif, un pénultième plus pensant, un final galvanisant. Mais c’est au niveau du cœur du disque que "Age Of Excuse" vient gagner des points.

En effet, pour exister sans s’excuser face à son aîné "Age Of Excuse" va chercher à nous sidérer par son intensité, en particulier au cœur de l’album, "III" et "IV", et va taper vite et fort avec une persévérance dans la virulence à la fois grisante et dynamisante. Une fois de plus Darkside démontre qu’il est le patron des batteurs du Black. Sa caisse claire supersonique estomaque et subjugue tandis que M. dégaine ses notes les plus sadiques, ses trémolos les plus nasillards. Une déferlante de pur Black Metal, une orgie pour le fan.
Après un tel déferlement on croit accueillir sereinement l’incontournable titre lent et pesant, "V" qui commence bien de cette manière, arpèges mélancoliques et narrations dans le lointain puis l’on croit voir s’installer la poisse pensante et ferrailleuse de KRIEGSMASCHINE mais bien vite les tempi montent et c’est par un de blast/trémolo vengeur que le refrain conquiert.

"Age Of Excuse" s’impose comme un concentré de plaisir, un festival de tout ce qu’on est en droit d’attendre d’un tel groupe, avec suffisamment d’excellentes mélodies en trémolos pour mettre à l’amende toute la scène.
Et avant même de parler des notes jouées ou de la composition, c’est d’abord un plaisir auditif, sonore, la texture des guitares, leur amplitude, le règne de la batterie, l’abrasivité des vocaux, ils font partie intégrante de l’expérience.
Une constante chez MGŁA, certes et il est bon de le rappeler, et si les évolutions des réglages sont minimes et subtiles depuis "Exercices In Futility", le chemin n’en est pas moins grand depuis les origines et "With Hearts Toward None", malgré toute sa beauté, semble bien primaire en comparaison.

À peine pourra-t-on confesser que les textes font un peu de surplace, et qu’ils peinent à atteindre le caractère définitif de ceux de 2015. Difficile de trouver de nouveaux angles à la philosophie nihiliste. Il y a quand même quelques punch lines bien senties. Il est de toute façon assez difficile de percer leur message derrière les phrases alambiquées et les mots rares. Et l’on n’aura aucun espoir de les voir un jour les expliciter chez Thinkerview, leurs têtes de Nazgûls encapuchonnés sur le fond noir, sur le thème de la collapsologie par le Metal noir.

Trop attendu au tournant "Age Of Excuse" n’a pas le sens de l’accroche des meilleurs moments de son aîné et n’atteint donc pas cette force transcendantale qu’on aurait encore tant aimé se prendre en pleine âme (à l’exception de la seconde moitié de "VI", ce que Volthord décrit parfaitement dans sa chronique).
En revanche il compense parfaitement bien avec un raffinement accru, une homogénéité bienvenue (pas de ventre mou) et surtout une intensité sidérante qui à défaut de nous donner le frisson nous fera boire du petit lait. À le comparer avec tout ce qui s’est fait depuis quatre ans c’est pour moi une incontestable et délicieuse réussite.