Comment oublier l’explosion du volcan du Mont Saint Helens le 18 mai 1980 ? Que l’on soit né ou non, cette explosion a été d’une telle violence dévastatrice qu’elle reste à ce jour l’une des éruptions les plus célèbres de notre époque. Un panache volcanique atteignant presque les 30 km de hauteur, plusieurs centaines de km² dévastés et plus de onze états touchés par le réveil en fanfare du monstre. Le rapport avec "All The Footprints You've Ever Left And The Fear Expecting Ahead" des japonais d’ENVY ? Aucun précisément, si ce n’est qu’à l’instar d’une explosion volcanique, "All The Footprints" est d’une telle intensité dévastatrice qu’il ne laisse qu’un paysage post-apocalyptique.

"All The Footprints" est comme une cocotte minute prête à éclater d’une minute à l’autre, et lorsque l’explosion survient, elle se mue en un cri déchiré qui anéantit tout sur son passage. Les guitares malmenées geignent de douleur, les breaks tombent comme des avalanches et ne laissent aucune issue et Tetsu, le frontman, fonce tête baissée en hurlant sa douleur tous poumons dehors. Et au beau milieu de ce déluge de décibels surviennent des accalmies mélodiques prêtes à se rompre à tout moment. Le secret d’"All The Footprints..." réside dans cette intensité émotionnelle qui ne décroît jamais, même lorsque la machine s’arrête afin de laisser quelques résidus d’arpèges s’épancher, ce n’est que pour mieux repartir ensuite. On a souvent considéré qu’ENVY est un groupe très influencé par le Post-Rock, et même si "All The Footprints" regorge d’instants plus calmes et de montées en puissance, cet album reste avant tout un album de Hardcore moderne rempli d’une rage et d’un désespoir exacerbés à l’extrême. Les influences Post-Rock prendront une place plus importante sur les albums suivants, jusqu’à faire tomber le groupe dans une certaine banalité.

"All The Footprints" est IN YOUR FACE : ça passe ou ça casse. Il ne fait aucune concession : les émotions brûlent l’épiderme et les membres s’agitent comme des aliénés pour faire tordre de douleur les instruments. Toutefois, il est fallacieux de croire que les japonais n’arrivent pas à nuancer leurs compositions. Entre déchirements qui surgissent comme des décharges électriques inopinées ("The Spiral Manipulation" et sa ligne de guitare entêtante), montées en puissance et descentes vertigineuses plus sournoises ("A Cage Falls Into", ou le monstre final "Your Shoes and The World to Come"), et l’interprétation schizophrénique de Testu, passant des cris marqués au fer rouge, aux murmures, et à un chant clair pas extraordinaire mais bien placé ("Mistery and Peace"), la formation nippone sait prendre à revers l’auditeur et sait comment rendre chaque titre imprévisible.

Avec cet album, ENVY s’est fait une place de choix dans le petit monde du screamo aux côtés d’ORCHID ou URANUS. Il faut dire qu’"All The Footprints" est un disque maitrisé de bout en bout. Constamment dans le rouge mais capable d’instiller des accalmies salvatrices dans ce paysage brûlée à la soude, il est la fusion entre deux mondes : celui de la vie et de la mort. Lorsque l’on se croit sur le point de non-retour, ENVY parvient à s’arracher de l’issue fatale et hurle les veines ouvertes son désir de vivre et d’exister. "All The Footprints" est un jaillissement de sentiments si fort et puissant qu’on aimerait qu’il ne s’arrête jamais…