MADDER MORTEM est né de la première pluie. Un crachin un peu froid, un peu lumineux, avec un vent estival, des feuilles d’automnes qui font voler une mélancolie comme un de ces tourbillons de neige, mélangeant les couleurs de toutes les saisons. Il est sorti de son cocon toujours un peu recroquevillé sur lui-même, le regard bas.

Il y a quelque chose de plus naturel dans "Mercury", de plus fondamentalement doux, mélodieux et mélancolique qui ne préfigure certainement pas la pieuvre ambivalente que deviendra MADDER MORTEM. Un album homogène, aussi, nettement plus tourné vers la mélancolie, le "Gothique" de notre génération.

"Undertow" pourrait donc dès les premières minutes nous rappeler la simplicité, la qualité et le caractère profondément éthéré et légèrement ému d’un TRISTANIA des débuts, sans chant Death, et avec une minette au chant plus grave, qui rappellerait, dans le cas de "Mercury", plutôt Rosan Van der Aa d’ORPHANAGE (s’il faut faire une comparaison dans la sphère Gothique, bien sûr).
Les quelques touches de clavier de l’album, mélodiques, simplistes, et que certains voudront qualifier de basiques "pour l’époque" (mais nettement moins peineuses que beaucoup de sonorités popisantes actuelles), ne sont pas pour rien dans le ton Gothique de l’album, le somptueux "The Grinding Silence" nous le prouvera. Mais ils s’ajoutent en fait (et, je le répète, de manière assez rare), à un travail d’arpège calculé au centimètre, des riffs nous emportant entre de grandes percées nuageuses, des rythmiques subtiles et spontanées (un "Loss" particulièrement énergique), une basse sucrée, une production vaporeuse. Bref, tout un ensemble de facteurs qui nous font pointer vers un coin d’ombre, de nostalgie, bref, vers le Metal Gothique dans ses ébauches fondamentales.

Agnete M. Kirkevaag semble avoir un ton de voix plus monotone, qui ne donne pas encore les grands éclats de fureurs de "Deadlands" ou "Desiderata"… mais sa justesse mélodique viendra finalement se marier parfaitement avec les tons gris de l’album. Mieux que ça, on trouvera ses lignes douces, un cocon confortable dans une tristesse jamais radicalement dépressive, toujours extrêmement délicate, possessive, aux quelques touches lyriques peaufinant un tableau déjà parfait ("Misty Sleep", ultime).


"Mercury" est un peu boudé, beaucoup de sites parlent souvent du MADDER MORTEM d'après "All Flesh Is Grass" (2001). Sans doute parce qu'on a là est un album plus homogène, plus facilement attribuable à tout un mouvement de groupes atmosphériques "à chanteuse", et MADDER MORTEM n’était encore que l’un d’entre eux à cette époque. Bref, quelques écoutes brèves et on aura l'impression que l'album se perd dans une masse d'albums similaires... mais, évidemment, ne jamais se fier aux premières écoutes. J'ai pensé d'ailleurs faire grâce à l'album de trop le comparer, pensant très clairement qu'il mérite une écoute à part, sans aiguillage préalable.

"Mercury" est une perle de mélancolie, un voyage aérien qui, avec un peu de chance, se fera une place dans le cœur de quelques âmes sensibles, et gagnera peut-être une reconnaissance similaire à celle dont les œuvres plus "Prog" du groupe jouissent aujourd’hui.