MADDER MORTEM est grand. Grand car il a le caractère des grands. Celui des CANDLEMASS, des PRIMORDIAL, des TOOL, des pleins d'autres trucs.
De ceux qui s’approchent dans l’ombre, vous caressent lentement les trippes, les cinglent gentiment, puis vous les arrachent et vous les tiennent jusqu’au bout. De ceux qui semblent plus prêcher par la musique que faire vraiment de la musique.

Oui, MADDER MORTEM a un caractère fou, il paraît indomptable, impulsif comme toujours, jamais foncièrement bourrin, aujourd’hui plus nuancé lorsqu’il tient tête à nos pauvres tympans. Digérant ses influences sans jamais les rendre trop évidentes, MADDER MORTEM se passe d’être décousu, il se passe aussi d’être un cadavre exquis d’influences et se contente simplement d’être aussi familier qu’inclassable, aussi limpide qu’étrange.

Complexe dans sa simplicité.

Devenu aujourd’hui plus ternaire dans son approche, du rythme discret à l’ambiance cabaretteuse américaine ("The Flesh, The Blood And The Man"), revenu sur un aspect plus mélodique de sa musique comme un clin d’œil à ses débuts plus gothiques sur "Mercury", MADDER MORTEM préserve pourtant cette rage primaire, explosive, d’un Metal alternatif balancé comme un taureau dans une bourgade d’espagne sur "All Flesh Is Grass", et proggéifié sur "Deadlands" puis "Desiderata".

D’un côté, on sentira l’album partir dans des directions bien opposées, des variances progo-jazzy à une mélancolie plus sereine ("Armours"), en passant par de gros riffs alternatifs, presque néo, ou doom ("A Different Kind Of Hell"), presque tout à la fois. De l’autre côté, c’est justement ce côté ‘tout à la fois’ qui crée une vraie unité. D’une manière étrange, MADDER MORTEM reste familier tout en y allant par deux fois quatre chemins, rendant à "Eight Ways" une cocasserie qui décidément ne se traîne pas sur tous leurs albums (vraiment, le défilé digne des plus grands instants du film Paprika sur "Get That Monster Out Of Here", ce n’était pas l’apanage du groupe jusqu’à maintenant). Et nul besoin de préciser que Agnete M. Kirkevaag et son chant versatile confirme sa toute puissance parmi les chanteuses véritablement metal (pas celles qui sonnent cool et qui font bien sur les pochettes), de celles qui vous emportent dans leurs sautes d'humeur.

Le meilleur ? Des "Armour" et "Eighth Wave" plus mélodieux, marques de confort ultimes dans un album qui parfois lève les bras vers les yeux et nous déclame que tout comme lui, l’enfer a plusieurs formes ("A Different Kind Of Hell", littéralement enflammé, plus simple et frontale), l’admirablement progressif "Where Dreams And Day Collide", l’épique "Get That Monster Out Of Here", le fantomatique et presque opératique "The Riddle Wants To Be". Et pour le moins bon, peut-être les deux premiers morceaux de l’album intègrent-ils l'élément jazz de manière trop évidente, et un " Life, Lust And Liberty" qui sonne comme une chute de "Desiderata".

En quelques mots, toujours puissant et jamais fou, toujours les pieds sur terre mais avec le visage vers le ciel, "Eight Ways" est un album complexe, parfait pour découvrir cette formation norvégienne qui atteindra forcément un jour ou l’autre le nirvana.