Autrefois un quatuor, puis un trio, avant de devenir un duo en 96, GRAVE évolue au fil du temps sans que l'on se rende vraiment compte. Le souvenir de l'époque bénie de "Into" et "You'll" reste les seuls points de repère valables pour la plupart des gens. Du moins, pour ceux qui sont réellement concernés, car maintenant avec toute cette branlette technologique, la pilule Death passe mieux, forcément. Sauf que GRAVE sait plaire et sait se faire aimer autant par sa bonhomie naturelle que son goudron originel qui n'a jamais quitté depuis. Un acteur fidèle à une scène et à son public.

GRAVE c'est comme sauter sur une grosse flaque de boue, c'est marrant, limite enfantin mais ça fait du bien. Sentiment de nouveau présent sur cet album portant le doux titre de "Back From The Grave". Bon, en 97, OBITUARY nous avait sorti un cinoche identique, et les Suédois en font de même, dont cette accroche légèrement boursouflée. Jeux de mot de rigueur histoire de ponctuer le grand retour du légendaire attaquant de l'équipe scandinave, celui qui afficha ses plus belles performances dans les années quatre vingt dix. Néanmoins à l'écoute de ce "Back From The Grave", on s'aperçoit que l'animal en a encore sous le coude.

Mais pour combien de temps ?
Et surtout pour dire quoi ?
La même chose qu'auparavant avec plus au moins de variantes ?

Eh bien pas tout à fait, car le monstre suédois boulimique (nourri au krisprolls), fait fonctionner ses méninges et ne tombe pas dans le trip passéiste que l'on s'imagine déjà, rien qu'à la vue de cette pochette macabre et visuellement laide.

Dans les faits, cet album s'articule autour d'une recette simple mais très efficace. Le principe du "poum tchac" de "Souless" a été amélioré depuis, voire carrément exagéré sur "Hating Life" avec ces relents "core" mal dégrossis. Malgré un son en béton armé (le truc qui arrache), bien agressif jusqu'au bout des doigts avec les yeux injectés de sang en prime, c'est du gros bourrinage sans discernement et surtout c'est une performance peu probante pour Ola Lindgren, devenu par la force des choses le Big BOSS de l'édifice GRAVE et fier de l'être. Depuis le live qui suivi en 97 ("Extremely Rotten Live"), plus rien, jusqu'en 2002 où l'orchestre reprend des couleurs avec une charpente plus consistante. D'un duo, il passe à un quatuor. Avec deux personnes de plus qu'en 96 (dont Jonas), ceci permet de laisser libre cours à son inspiration, à ce combo scandinave le plus attachant qui soit.

Alors, venez assister au retour d'un groupe qui émerge de sa propre tombe.

Premièrement, c'est très puissant.
Bien plus maîtrisé qu'en 96 et même plus tranchant qu'en 2004, Tagtgren ou pas, franchement on s'en balance. La carrosserie de ce "Back From The Grave" ne manque pas classe ce coup-ci. Le tandem Skosberg / Lindgren fait un malheur ; tranchant, juteux et agressif à souhait, du gros son au drum kit titanesque et particulièrement insistant sur la double (qui pèse une tonne). Ola ne manque ni de voix ni d'inspiration, devenant bien plus à l'aise maintenant, ses growls rageurs et personnels assurent vraiment, pendant que ses accords laminent le tout. Là, on voit que le bonhomme y met vraiment du sien. Charmant.

Deuxièmement, le trot est plus privilégié que le galop.
Le rythme du tempo est médium, constant, voire inamovible et surtout jamais speed. Car pas une seule fois l'orchestre s'emballera dans une course chronométrée. Pas une seule fois. Et pourquoi pas, après tout par amour on est près à faire des concessions. D'ailleurs "Rise" est un excellent titre qui fulmine par un beat qui bétonne comme un malade (le matraquage de l'intro en témoigne), les effluves de gasoil transpirent des guitares, toute l'équipe joue à fond mais personne ne se presse ou ne se bouscule car le mot d'ordre c'est le groove d'abord et uniquement le groove. Un jeu méthodique qui relève d'une certaine science du rythme et de ces contre-temps.

Parce qu'ici, GRAVE peaufine son style pour le rendre bien plus moderne en fait. Autant dans le son (plus arraché qu'écrasé et plus éclairé qu'assombrit) que dans la composition (pas de bavardage, on balance la purée avec classe et tenue). Toujours aussi énorme dans ses attaques, le mode essorage semble être une habitude chez GRAVE (et je ne m'en plains pas) et monstrueux par son groove (nuque brisée servie à volonté les gars), GRAVE reste bel et bien le groupe qu'il a toujours été. Il s'est remis de ses blessures internes, a pris du recul et nous offre un album plutôt bien foutu, modéré certes mais rarement chiant (d'où la note). Ça reste ultra carré et franchement sauvage. Un groupe désormais tranquille dans ses baskets mais pas pantouflard pour autant. Une excellente surprise, loin du revival actuel (qui cartonne en ce moment). C'est GRAVE tout simplement.