La plupart des gens pensent que la bière est un truc pas raffiné pour bourrins. Interrogés sur la question, ce sont les mêmes gens qui vous citent 1664, HEINEKEN, KRONEMBOURG pour illustrer leur propos… Laissez-moi rire, ça, de la bière ? Moi j’appelle plutôt ça de la pisse d’âne malade (et encore c’est pas sympa pour Bourriquet pour qui j’ai un certain respect). Ce dédain cache en réalité une certaine méconnaissance du sujet. Suffit qu’un jour un pote se foute de votre gueule et vous fasse gouter une DUVEL pour que vos a priori s’envolent en deux gorgées, croyez-moi. Puissante, équilibrée, une double fermentée magnifique et c’est le déclic. Sur ce sujet – comme pour beaucoup de choses – il y a deux mondes : celui des bières de consommation courante (dite « de soif ») comme la LEFFE ou une bonne CARLSBERG et celui des bières de dégustation, celles qui sont un minimum « travaillées » et plus subtiles qu’on pourrait le penser. A tous ceux qui se foutent de ma gueule quand je déclare que la bière est le meilleur apéritif du monde, je recommande de poser une babine sur la DUVEL (la meilleure bière du monde) ou encore la Triple KARMELIET, la Chouffe, la Chimay ou l’Orval. Croyez-moi, ces bières enterrent pas mal de vins dont nous autres français sommes fiers comme un bar-tabac.

C’est marrant que je vous parle de ça, parce que – figurez-vous- que justement TANKARD a fait de la binouze son cheval de bataille (noble cause, s’il en est). J’aimerais vous dire que TANKARD est un groupe plus raffiné que le laisse supposer la trivialité de son sujet de prédilection. Sauf que non. Et ce "Chemical Invasion" n’est ni bon, ni franchement mauvais. C’est juste moyen, un peu médiocre mais agréable quand même. Le constat en demi-teinte s’impose même si je n’aime pas ça. Les constats en demi-teinte. Je préfère défoncer ou encenser. Le truc intermédiaire, bof quoi, pas mon style. Pourtant là je suis obligé.

Notez qu’il y a du progrès par rapport à "Zombie Attack" qui était d’une affligeante banalité. Déjà, TANKARD balance son Thrash avec plus de « punch », ça aide. Ce regain d’agressivité permet de lisser certaines aspérités. Pris dans cette tourmente Thrash typique des années 80, on en oublie un peu ce qui ne va pas : des riffs banaux, une linéarité fatigante et un cruel manque d’idées. TANKARD fait du Thrash réservé exclusivement aux thrasheurs. Leur « sauce » est lourde, un poil indigeste mais copieusement servie. Attention, ça t(hr)âche cette cochonnerie.

Cette montée en puissance (physique) du groupe soulève un problème de fond, celui du décalage avec ce que le groupe draine comme image et sa « philosophie » associée. GEREMIA beugle, les guitares crachent, la batterie déboule en continu… cette débauche d’énergie manque un peu de « fun » et d’un rien de légèreté. A titre perso, je me vois mal hurler les mérites de la DUVEL en hurlant comme un taré des trucs comme :

« La double fermentation, c’est du bon.
Décapsule, décapsule.
Et fait cul sec.
Fraîche, puissante avec un goût profond.
Ca encule, ça encule.
La DUVEL, ça pète »

Pour ce genre de "littérature", un style plus proche d’ANTHRAX aurait peut être été plus en adéquation avec cette envie de décapsuler des bières avec les dents (c’est très difficile à faire, seuls les fans de SLAYER y arrivent). Même la reprise de GANG GREEN, "Alcohol", qui aurait pu jouer le rôle de conclusion « sympa », est jouée sans débander. Cette absence de « fraîcheur » cantonne le groupe dans ce rôle de second couteau, coincé entre sa vision « kreatorienne » du Thrash et un pâle rendu « overkillien ».

Pourtant, comme vous avez pu le constater bande de chafouins, j’ai pas mis une trop sale note à cet album. Ca fait plusieurs fois que je vous dis que ça m’énerve quand vous regardez la note en bas de page AVANT de lire mon blabla et j’ai beau vous le dire vous continuez à le faire tsss… Donc j’ai arrondi au supérieur mon auguste avis (2,5 valorisé à 3) concernant "Chemical Invasion", ce qui sous entend dans mon échelle de valeur immuable que cet album n’est pas une merde sans nom, voire qu’il est même recommandable par certains aspects. Et effectivement, il y a un détail qui m’a positivement touché à l’écoute approfondie de ce vieux Thrash pourri. Il s’agit de cette volonté de bien faire, malgré la nullité patentée du groupe. TANKARD a essayé de mettre un peu de talent sur la table (entre le bol de cacahuètes et la GRIMBERGEN éventée) et je trouve ça touchant. On ressent cet effort sur "For a Thousand Beers" : une instrumentale de 7 minutes, certes répétitive, avec plein de passages sympas à la METALLICA. On a même droit à une intro acoustique presque mélodique. Le groupe a essayé et c’est plus que pas mal. Il y a aussi "Traitor" et son riff hystérique, tempo furax et sa cassure mid tempo. Par deux fois, TANKARD réussit à faire du bon Thrash, agréable, sympa avec en option des petits chœurs discrets (« traittttooooor traaaaaaiiiitooor »)(1).


"Chemical Invasion" est à TANKARD ce que la Leffe pression est à la bière de soif, un album convenable, agréable, désaltérant mais sans nuance. C’est pas si mal, ça aurait pu être pire… genre HEINEKEN ou KANTERBRAU. Mais ça aurait pu être excellent… genre DUVEL ou KWAK. On va pas faire son bégueule non plus, on vide donc son verre et on demande la carte au serveur parce que bon au bout d’un moment la Leffe pression…


Note : 2,5/5 (que j’arrondis au supérieur donc)


Morceau préféré : Traitor



(1) J’aurais pu tenter de vous parler de ce break ébourrifant sur « Farewell to a Slut » mais bon.