De l’appréhension…
Beaucoup d’appréhension, même, lors de la mise en lecteur de ce nouvel album de THURSDAY. La pression est forte, les attentes énormes. La gamelle rôde autour du groupe depuis un moment déjà. Elle finira bien par l’emporter. Quelles sont les probabilités pour THURSDAY de continuer sur sa prodigieuse lancée, démarrée 3 albums plus tôt ? Difficile déjà d’égaler leur dernier opus en date, le brillant "A City By The Light Divided". Et je ne parle même pas de "Full Collapse"…
Dans leur style bien à eux (leur univers comme on dirait sur M6), les membres du groupe avaient toujours réussi à susciter l’intérêt malgré le poids des ans. Chaque nouvel album était un défi que THURSDAY se faisait un plaisir de relever. Mais combien de groupes se sont effondrés après avoir produit 3 albums vraiment géniaux (et même bien avant) ? Et comment THURSDAY pourrait-il innover une nouvelle fois ?

Quatre album, c’est déjà une belle carrière pour un groupe (d’autant plus en ce moment). Je me prépare donc psychologiquement à la possibilité de faire le deuil de THURSDAY, 10 ans, né dans le New Jersey, et par là même de son talent.

Un trop plein d’appréhension, donc, et les premières notes ne m’ont guère rassuré. Ca tabasse dur, ça chante fort, ça crie un poil… J’ai beau avoir l’habitude, les premières écoutes d’un THURSDAY commun sont toujours difficiles. Le chant, toujours si particulier, n’aide bien sûr pas à une immersion facilitée. Et il faut attendre quelques temps pour que la musique fasse son chemin dans notre cavité cérébrale. D’abord quelques arrangements sortis de nulle part. Puis quelques refrains rafraichissants et réfléchis (à répéter 20 fois, très vite). Les craintes s’effacent, et plus vite que prévu. Ecoutez "Friends in the Armed Force", et vous comprendrez tout de suite où je veux en venir.

THURSDAY n’est plus ce groupe de jeunes blancs becs qui avaient sorti le piètre "Waiting" il y a quelques années de cela. De la bouteille a été prise, et "Common Existence" est réellement l’album de la maturité. On sent que le groupe maitrise son sujet et est sûr de sa force. THURSDAY nous donne une leçon de THURSDAY en 10 chapitres, tous plus passionnants les uns que les autres. Et si mes préférés resteront l’écrasant "Last Call", le langoureux "Love Has Led Us Astray" ou le pêchu "As He Climbed the Dark Mountain", les autres ne manqueront pas de titiller nos marteaux, et enclumes associés. La variété est à nouveau de mise, le soulagement est là.

THURSDAY n’est plus non plus ce groupe d’aventuriers de qui avait fait jaillir leur talent au travers de l’excellentissime "Full Collapse". La spontanéité de la jeunesse a laissé la place à la force tranquille. Une sérénité que l’on apprécie tout au long de l’album. Une finesse que l’on aimerait retrouver plus souvent. Musicalement très proche de ce qu’ils nous ont pondu par le passé, les THURSDAY laissent ce nouvel album se démarquer juste ce qu’il faut. Evolution, donc, mais toujours pas révolution. Et voila bien la seule chose que l’on reprochera à THURSDAY cette fois ci.

A ce moment de leur carrière, la véritable force de THURSDAY est de ne pas ennuyer l’auditeur. Dans un genre ou pas mal de chansons refoulent le copié collé à 300 m, voilà une aptitude des plus remarquables. Le groupe garde sa place de ténor du genre, et nous voila comblés bien au-delà de nos attentes.

Reste l’éternel dilemme du chanteur. Après pareil album, nul doute qu’avec un autre chanteur (comprenez : à la voix moins "stressante"), le groupe prendrait son envol, toutes ailes déployées, vers la gloire et le succès international…au prix de la perte d’une part importante de son identité… Bref un problème sans solution, et une question que je vais donc cesser de me poser.

L’heure est à la dégustation, mes amis, alors dégustons…
Ca m’apprendra à me méfier !