Le doom traditionnel a-t-il le droit d'évoluer ? La stagnation éternelle n'est-elle pas sa raison d'être ? Enfoui dans la pierre depuis le premier album de BLACK SABBATH, le genre regarde le temps passer, lentement, très lentement…sans bouger, sans jamais bouger. Mais ABYSMAL GRIEF est un mystère. ABYSMAL GRIEF a bougé, c'est une certitude mais impossible de dire s'il a fait marche avant ou marche arrière.

ABYSMAL GRIEF est inconnu, il vient de Gènes. ABYSMAL GRIEF a sorti en 2007 l'un des plus beaux albums de doom metal des trois derniers millénaires. ABYSMAL GRIEF a sorti en 2007 le plus bel album de (true) metal gothique depuis toujours. Cet album s'intitule "Abysmal Grief". Personne ne sait comment le miracle est arrivé, il a pourtant bien eu lieu. Les arcanes sombres de la création.

Traditionnel, l'Italien l'est à tous les égards. Un tempo qui n'en peut plus de ralentir, des riffs qui s'étirent jusqu'à la tombe, un chant clair et sentencieux. Mais au-delà d'une tradition musicale perpétuée par PENTAGRAM, SAINT VITUS, TROUBLE et aujourd'hui REVEREND BIZARRE, l'Italien va chercher l'inspiration dans la tête même des premiers pionniers. L'Italien a fait comme les autres, il a écouté "Black Sabbath", "Paranoid", "Master Of Reality", "Volume 4", il a su en tirer les mêmes enseignements que ses pairs. Mais il a aussi vu ce que les autres ont simplement entraperçu. Une haute cathédrale, une très haute cathédrale dans le lointain, située loin derrière le cimetière. Et juste à côté, un cabanon d'alchimiste, de sorcier.

Oui, "Abysmal Grief" épouse tous les contours du gothique le plus primitif, un gothique des origines sale, pourtant déjà noble et infiniment vaniteux. Un orgue d'une prétention folle dirige un orchestre habité par une foi interdite. Le chanteur pratique la magie noire et déclame ses litanies infectes. On entend ROOT, le MOONSPELL le plus grandiloquent, TRISTITIA. Et bien sûr CULTUS SANGUINE, père naturel de ce nouveau démon de la Padanie. Un rituel qui baigne dans le sang et le sexe.

Egalement un esprit de série B qui rassure sur la santé mentale de Regen Graves, Labes C. Necrothytus et Lord Alastair. ABYSMAL GRIEF aime les films de genre. Dans sa petite vidéothèque personnelle, du Ed Wood, La Planète Interdite, Le Jour Où La Terre S'Arrêta, la collection complète des trésors de la Hammer, une série d'interviews croisées entre Roger Corman et Vincent Price, la vie privée de Christopher Lee et quelques bandes bien de chez eux bien sûr, Mario Bava avant tous les autres. De l'effet sonore SF sur une pléiades d'interludes, un clavecin lubrique, un groove libidineux en fin de "The Necromass Always They Answer" et sur le spectaculaire "Creatures From The Grave", le trio s'amuse, joue du sarcasme, de l'ironie, de l'auto dérision.

En 2007, ABYSMAL GRIEF, un inconnu venu de Gènes qui traîne pourtant ses guêtres de soie violette depuis une bonne dizaine d'années a redéfini le doom metal traditionnel en lui infligeant la pire des punitions du gothique de bazar. Le résultat est fracassant, indigeste à l'extrême, cependant si nécessaire. Quelque part entre le grotesque et le tragique, à mi-chemin entre la misère et la luxure, "Abysmal Grief", achat prioritaire pour quiconque est capable de comprendre le mot « excès ».