Continuant sur sa lancée, après un incroyable "Sardonischer Untergang Im Zeichen Irreligiöser Darbietung" d’une glauquerie sans nom, BETHLEHEM sort un EP cette même année-là pour compléter sa folie d’un dernier geste hétéro-agressif. Vingt-trois petites minutes nous sont donc offertes comme autant de mouvements imprévisibles d’un être à la dérive et en proie à des automatismes mentaux. Et "Reflektionen Auf's Sterben" fout sacrément la frousse…

Marco Kehren notamment produit une prestation qui vous glacera le sang. Ces vocaux hystériques sont totalement désespérants et auraient fait bander Antonin Artaud. À leurs écoutes il est aisé de comprendre comment ils ont pu influencer tous les tarés de la scène DSBM (SHINING, LIFELOVER, PSYCHONAUT 4, THY LIGHT, ANTI…). Leurs vociférations haineuses et incontrôlables donnent le ton de l’album : il sera dingue et une expérience en soi. Certains n’y verront qu’une tentative effrénée de pousser l’expérience d’angoisse à son maxima, j’y vois pour ma part la plus pure traduction du langage des tripes malades, des cris internes des cellules et de leur effroyable besoin de muter. Car cet EP à nouveau comme les deux précédents albums renferme des titres d’une noirceur infinie. Si un des titres-étalon de "S.U.I.Z.I.D" s’y retrouve ("Gestern Starb Ich Schon Heute", ici traduit en anglais en "Yesterday I Still Had A Beer Today"), d’autres prennent le relais avec le sang dans les notes et les artères mélodiques tranchées.

Et si vous voulez entendre ce goutte à goutte, je ne peux que vous conseiller d’écouter, la lame à la main, cette frénésie de "You Must Play With Yourself". Oserez-vous regarder la lame scintillante appelant à trancher je ne sais quelle viande ? Quelle bande de tarés putain… Et les mélodies sont si belles et dingues à la fois… Profond paradoxe du plaisir de la douleur, de la joie dans le désepoir… Sacré BETHLEHEM ! Pour en revenir à l’EP, j’apprécie aussi les deux versions de "Vargtimmen", notamment la seconde avec sa basse infernale et ses riffs larvés, sa rythmique hypnotique et ses bruits de chambre d’isolement. La première version qui ouvre l’album dévoile une nouvelle voie plus Electro et Indus qui entachera notamment le futur album "Schatten Aus Der Alexander Welt" avec un autre type de succès. Décadents au possible, nos Allemands continueront à foutre le feu dans les têtes avec "Angst Atmet Mord" en faisant tinter les cloches de la Mort.

Et parlons aussi de la reprise de IRON MAIDEN présente dans la réédition de l’EP par Red Stream, Inc en 2006 "Where Eagles Dare", ici traduite en allemand sous le doucereux nom "Du Aldlers Wagen". Bien sûr il y aura les détracteurs – même si j’imagine fort bien qu’ils ne liront sans doute jamais une de ses lignes – et pourtant BETHLEHEM insuffle ses déséquilibres mentaux en faisant bouillonner ce titre d’effluves bien salaces. Ça schlingue vraiment les miasmes et la mort BETHLEHEM. Et si SILENCER est le fils prodige de Jürgen Bartsch et sa bande de dégénérés, à l’écoute de cet EP l’on saisit rapidement que nos Allemands ont poussé un peu plus encore la dose maximale de la folie à son paroxysme. Si la dinguerie s’ébruite en creux dans les ambiances et les notes, l’entrechoquement des toxiques, du mélange des drogues et des conduites ordaliques toquent tout autant à la porte.

BETHLEHEM est en roue libre sur cet album et le termine d’ailleurs par un titre goguenard. Deux minutes de discussion à l’emporte-pièces dans l’intimité du groupe. Ah ah ! À découvrir donc pour les germanophones surtout ! Bref, "Reflektionen Auf's Sterben" est le petit dernier avant un virage bien plus sérieux et moins affolant dira-t-on. Le départ de Marco Kehren ne sera vraisemblablement pas étranger aussi à ce changement de cap. D’ailleurs si vous avez apprécié ses expressions vocales, et souhaitez prolonger le douloureux plaisir de l’aliénation mentale, je ne peux que vous conseiller d’écouter DEINONYCHUS, et notamment l’album "Ark Of Thoughts". Pour l’heure prenez donc encore une lampée de BETHLEHEM histoire de…

Note réelle : 3,5/5.