"Nattarvet", littéralement l’héritage de la nuit continue les pérégrinations musicales que le précédent album "Ghostlands: Wounds From A Bleeding Earth" avait initié. Cette fois-ci nos Suédois s’attardent sur certains évènements ou légendes suédoises mais aussi la mise en plis sonores de livres récents, en particulier le thriller de Hampton Sides Au royaume des glaces : l’impossible voyage de la Jeannette ainsi que le roman post-apocalyptique de Connar McCarthy The Road. Et à nouveau, WORMWOOD pare son Black Metal d’enluminures Folk et parfois aussi de Rock/Prog.

Et cela est déjà très perceptible dès le titre introducteur. L’accompagnement de violons pas si frêles nous emmène directement sur un pan de l’histoire suédoise, notamment le conte de la grande Famine qui a meurtri le pays de 1867 à 1869. Et cette tragédie liée à un froid sibérien extrême dévasta les récoltes à venir jusqu’à l’été 1868 où une grande sécheresse, à son tour, anéantira le peu de d’espoir qu’il restait encore. Cet épisode douloureux précipita un exode important de la population vers le Danemark mais surtout vers les Etats-Unis et sera responsable de plusieurs dizaines de milliers de morts. Ce titre fenêtre très bien cet évènement difficile. Les guitares sont incisives et découpent sur un mid-tempo ravageur les errements des suppliciés et les meurtrissures de ces condamnés. Titre fabuleux, sa composante Folk fait mouche et nous anime de diverses émotions. À l’instar du titre suivant, "I Bottenlös Ävja" et son introduction conduite par un harmonium entourant le scintillement du langage des merles noirs et des grillons et qui, avec l’appui du violon et de la Härjedalspipa (la flûte à bec traditionnelle) introduisent cette légende, celle de l’esprit d’une femme autrefois morte étouffé par un marais. La survenue du chant clair de Nine ainsi qu’une ambiance Prog, saisissent immédiatement l’écoute et lui rendent des mélodies mâtinées à nouveau d’émotions pures et majestueuses.

Et ce deuxième opus des suédois sent à plein nez le cheminement du groupe qui varie entre éléments purement Black Metal Mélodique que le Folk Viking et le Prog accompagnent de temps à autre, mais pas que… ("The Achromatic Road" très Rock dans l’âme). Prenez par exemple "Sunnas Hädanfärd" ou bien encore à "Tvehunger", et songez aux flottements des grandes voiles d’un Drakkar, à la fierté de son équipage mais aussi aux sombres présages qui les guettent. Ces titres hument l’épique et la remontée des fjords dans des contrées hostiles. Écoutez religieusement la splendeur du titre conclusif "The Isolationist", avec ses imprégnations FLOYD-iennes. À nouveau – comme vous pourrez le constater avec régal sur l’album "The Star" (2024) – les envolées riffesques sont talentueuses, les soli véloces et les lignes de chants poussent au train sans être agressives. Petit chef d’œuvre de "Nattarvet", ce dernier titre est une embarcation dans les nuages superbe.

Il n’est pas inepte de percevoir la nouvelle ligne que prend WORMWOOD sur cet album. Les percées psychédélico-progressives sont en train de cimenter dans l’ADN du groupe doucement mais sûrement. Mais le Black Metal Mélodique des suédois restent fièrement attaché à des velléités épiques et païennes. "Nattarvet" conserve sa cousinade avec des groupes comme MÅNEGARM ou MOONSORROW et affirme toujours l’amour de ses origines et de l’histoire de sa fière patrie. L’album suivant sera toutefois assez différent, bien plus Rock quelque part, et cela apportera son lot de surprises et d’enchantements/désenchantements. Pourvu que l’apprivoisement mutuel se fasse, mais nous en reparlerons. En attendant, cédez à ce "Nattarvet" qui, de par sa puissance et son engouement à s’agripper à de nouvelles terres, saura vous enchanter.