En déboulant avec cet album qui revient aux fondamentaux du groupe, les BÉRUS entament leur chant du cygne. Si leurs suprêmes fans y croient encore, François, Laurent et la clique savent bien que l’allumette flambe. Lassés de la caricature dangereuse et subversive que les médias, le pouvoir politique et les flics cherchent à leur faire porter comme un costume bien trop grand, puant et maudit, en utilisant notamment l’ignominie de certains moyens pour dégommer le groupe (Laurent et François ont été sur écoute, les cars de CRS qui les suivaient lors des tournées, l’annulation des concerts par des maires peu scrupuleux les mettant dans le rouge financier, les manœuvres politiques pour les cataloguer dans la case terroriste (cf l’affaire Black War), et la dépêche AFP qui affirme que BÉRURIER NOIR est la branche culturelle d’Action Directe…), la raïa se disloque.

Blasés des récupérations frauduleuses (comme ce concert parisien prévu et soi-disant sponsorisé par la mairie de Paris… N’est-ce pas Mr Jacques Toucon pardon Toubon ! Le groupe boycottera cette date et organisera sa propre tournée au Québec bien loin de toutes récupérations, et le Petit Jacques y trouvera une salle vide mais le majeur du groupe en pleine gueule… Nyark Nyark !!). Toutes ces merdes qui empoisonnent le quotidien de ces artisans du Rock Alternatif et rendent parano, mitraillent le cœur des BÉRUS… la machination est en route et inarrêtable. Le groupe essaie tant que faire se peut de reprendre les commandes de leur destinée en tentant de conserver leur intégrité et leur éthique contre tous les pillards et les vautours. Bondage Records s’est en effet bien foutu de leurs gueules et pas qu’un peu et malheureusement ça ne date pas d’hier… Énième coup de couteau dans le contrat, les BÉRUS mettent au jour que des cacahuètes leur sont reversées et que le compte n’y est absolument pas. Le groupe continue à bosser, François au BHV, Loran en tant qu’éduc… Le procès est inévitable et triste à la fois. La presse s’en fera les échos et les choux gras en titrant des absurdités d’articles tels que « Rock : l’alternatif tourne un boudin »… Et il y aura aussi le départ de Marsu remplacé par Mich’Boul.

Les concerts 87-88 sont tendus, les faf y sont présents et canalisés par le S.O. du groupe (ndlr : le service d’ordre), tout comme les RG… Les BÉRUS assument leurs idéaux et continuent d’organiser notamment des tables de presse en soutien aux prisonniers, aux minorités, aux réfugiés. Les PAF des concerts restent accessibles pour une bouchée de pain et la générosité du groupe n’est pas qu’un vœu pieux ou une vaine utopie. Qui peut s’en targuer aujourd’hui ? En 1988, c’est aussi l’essor d’autres groupes tels que LES WAMPAS, la MANO NEGRA, LES NÉGRESSES VERTES ou The SATELLITES qui rejoignent les majors tandis que les BÉRUS bataillent avec Bondage pour manger à leur faim… C’est dans ce contexte que sort "Souvent Fauché Toujours Marteau !". Comme la pochette le montre, les BÉRUS ont pris le maquis (la photo a été prise près de Montélimar) et Loran adresse son majeur à toute cette merde car le moral est impacté. Masto a les bagages du groupe où se trouvent encore les douze et ultimes titres du groupe sortis sous la bannière autoproduite du « Folklore De La Zone Mondiale ». François en militaire désabusé et déserteur sourit goguenard en regardant ce petit "Système" occuper la vallée, mais qui aura eu raison de son engagement.

C’est la fin du Troupeau D’Rock, nos trois survivants le savent. Et les titres de cet ultime album expriment toutes ces rages, ces amertumes et ces tensions. Ces emmerdements sont sublimés par des titres de génie – que je considère pour certains comme les meilleurs du groupe – tels que "Soleil Noir", "Djebel", "Carnet De Route", "Camouflage" et l’énormissime "Ainsi Squattent-ils". "Souvent Fauché Toujours Marteau !" est la synthèse superbe de tous les albums précédents, du "Macadam Massacre" à "Abracadaboum !". Le spleen, l’antimilitarisme, la philanthropie, la congruence des actes et de vivre la vie, le rêve, la solidarité et encore le Rêve y prédominent. Bien mieux produit et peut-être, je dis bien peut-être, composé que les autres, "Souvent Fauché Toujours Marteau !" est bourré de riffs bien tueurs et de paroles féroces. Dans la discographie des BÉRUS il tient une place à part. Un peu en retrait du "Concerto Pour Détraqués" et surtout de "Abracadaboum !", il est pourtant incroyablement puissant, rebelle et drôle à la fois.

Jamais les BÉRUS n’ont sorti des disques de merde, si parfois il y a des titres plus ou moins intéressants, leurs forces restent inextinguibles. BÉRURIER NOIR est un groupe à part et aura marqué son époque et les esprits, qui pourrait contredire ses propos aujourd’hui ? La postérité leur appartient et les BÉRUS seront cités à plus d’un titre mais notamment pour leur constante intégrité d’Être ! En 1989 la tournée d’adieu s’organise, l’occasion de sortir un énième disque et pas des moindres, un Live, le fameux "Viva Bertaga" !