Le 9 mai 1985 dans la maison d’arrêt de Fresnes, des mutins ont décidé collectivement de s’insurger face à l’ordre pénitentiaire en montant sur le toit de la prison. Comme une contamination fortuite, d’autres détenus font de même à Douai, Rouen et Compiègne. À Fresnes cependant, la situation prendra une tournure dramatique puisqu’un mutin y perdra la vie en chutant du toit après avoir été aveuglé par l’usage massif des gazs lacrymogènes lors des affrontements avec la police. L’histoire raconte qu’une banderole était déployée par les révoltés où était inscrit "Ils veulent nous tuer". Les BÉRURIER NOIR rendront hommage à ce détenu de 32 ans dans la chanson "Sur Les Toits", présente sur ce maxi 45tours, mais aussi aux nombreux suicides de prisonniers qui sont autant de protestations muettes et fatales.

"Abracadaboum" marqua l’apogée de la célébrité des BÉRURIER NOIR, mais aussi le début d’une forme de déroute subie. Helno quitta le groupe à la fin 1987 pour former LES NÉGRESSES VERTES ainsi que la grande Titi, ce qui déstabilisa quelque peu le noyau dur et le fragilisa un certain temps. Le succès amena l’inquiétude des politiques et la diatribe d’une partie des médias. En réponse François créa le fanzine MDLJ (Mouvement D’La Jeunesse) qui diffusait les contre-vérités et les véritables actualités du groupe, notamment celle du concert du Zénith en mars 1988 – qui fera salle comble (6000 personnes), le groupe ayant expressément choisi de pratiquer des prix dérisoires pour les billets -, la grande fête Bérurière aura bien lieu mais ne sera pas du goût des RG qui filent déjà le groupe. Pire, le groupe sera affilié par une presse dédaigneuse et honteusement peu renseignée au terrorisme anarchiste du mouvement Black War, sorte de mouvement enfanté par la mouvance d’Action directe des années 70. C’en est un peu trop pour le groupe, qui récupère son Bus d’Acier (1) et décide de prendre un peu le large. François retourne travailler en tant que manutentionnaire dans les sous-sols du BHV, et réfléchit avec Loran à casser cette célébrité médiatique qui leur attire bien des soucis et ne leur permet pas de reprendre eux-mêmes leurs propres rênes. L’aventure québécoise sera cet appel d’air salvateur qui permettra au groupe de se recentrer sur leur fondamentaux, l’accueil de cette jeunesse Outre-Atlantique sera par ailleurs impressionnante pour les BÉRURIER NOIR.

Ce Maxi, le troisième du groupe après "Nada" et "Joyeux Merdier", au titre très évocateur du vécu du groupe, fera partie de ces compositions qui seront la réplique assumée des BÉRURIER NOIR pour tous ces emmerdements immaîtrisables qui pourrissent la sérénité du groupe et affaiblissent son cœur. Se concentrant sur des fondamentaux, les BERURIER NOIR porteront notamment avec brio un titre instrumental quelque peu technoïde : "La Marche Funèbre De La Jeunesse Suicidaire", qui je dois bien le dire me faisait à un sacré bel effet quand je l’écoutais tout minot que j’étais. Deux titres de ce Maxi, "Nuit Apache" et "Et Hop !", déjà présents sur "Abracadaboum", y seront incorporés dans des versions remasterisées sans véritables plus-value. Mais quand arrive "Mineurs En Danger" nous retrouvons l’ADN du groupe : refrain entêtant, paroles percutantes et puissantes, riffs efficaces.

"Ils Veulent Nous Tuer" marque donc l’ultime étape des BÉRURIER NOIR, celle de se retrouver et de reprendre goût en leur propre histoire sans se répudier. Il précède deux autres 45 tours, "Makhnovtchina" et "Sampan", qui relanceront le groupe vers leur dernier album, l’excellentissime "Souvent Fauché, Toujours Marteau" qui sortira en 1989, l’année où tout foutra le camp.

(1)Récompense musicale appelée aussi Grand Prix du Rock Français, attribuée de 1981 à 1996, parrainée par la discothèque parisienne le Bus Palladium et sponsorisée par la SACEM.