Tandis que le Neo Metal dominait le monde, les vétérans de l'USPM sortaient une série d'albums très convaincants, dans une certaine indifférence. Si ces albums étaient parus de nos jours, alors que la NWOTHM nous abreuve de sorties – parfois anecdotiques - tous les mois, JAG PANZER aurait sans doute pu sortir son épingle du jeu, mais ce n'est malheureusement pas le cas, leurs plus belles années sont derrière eux. Il y a toujours ce sentiment de destin quelque peu injuste lorsque l'on évoque la carrière de JAG PANZER, ce groupe qui "aurait pu". Ceux qui ont eu le bon goût de se pencher sur la discographie du groupe se souviendront certainement de cet album conceptuel shakespearien "Thane To The Throne", très réussi, sorti en plein durant cet âge d'or des Américains.
Voici donc qu'avec "The Hallowed", JAG PANZER nous propose à nouveau un concept album, de quoi raviver d'excellents souvenirs et susciter de grands espoirs quant à la qualité de cette nouvelle livraison.

Ici, le concept se base sur une histoire originale conçue par le groupe, qui se décline non seulement en musique mais également par le biais d'un Comic Book. Il s'agit d'une histoire de survie dans un monde post-apocalyptique hivernal, où humains et animaux joignent leurs forces afin de rejoindre un lieu sûr, tout en étant chassés par des créatures belliqueuses. L'originalité étant que les paroles des chansons évoquent le point de vue des animaux, de la SF animalière en quelque sorte.

Mark Briody a beau déclarer que l'approche conceptuelle a modifié leur processus de composition, on ne peut pas dire que cela se traduise de façon flagrante. Musicalement, nous ne constatons pas énormément de différences par rapport aux dernières réalisations du groupe, on reste sur du JAG PANZER assez classique tel que le groupe le pratique depuis vingt ans. Il faudra juste s’accommoder au nouveau soliste, car oui, une fois "The Deviant Chord" mis en boîte, Joey Tafolla s'en est allé, remplacé par un certain Ken Rodarte, un total inconnu. Si ce dernier ne démérite pas, son jeu est moins singulier que celui de Tafolla et moins chirurgical que celui de Broderick. Bref, le gars fait le job mais ce n'est pas une révélation.

L'album aussi conceptuel fut-il ne propose pas de véritables interludes, juste quelques bruitages d'ambiances en début et fin de quelques morceaux, et de courtes narrations occasionnelles. Le code morse (pour "Help") qui introduit "Edge Of Knife" et qui se décline ensuite sous forme de riff est une riche idée. L'aspect conceptuel ressort peut-être un peu moins que sur "Thane To The Throne" malgré une certaine unité d'ensemble, les morceaux pouvant parfaitement s'apprécier indépendamment les uns des autres. Néanmoins un sentiment de progression se dégage au fil de l'écoute. En témoigne ce "Renewed Flame", plus posé, qui laisse la place à des claviers qui préparent le terrain pour l'épilogue épique de près de dix minutes, "Last Rites", durant lequel ressurgira un des gimmicks habituel du groupe : le violon, qui apporte cette touche celtique et émouvante cher à Mark Briody, le leader d'ascendance irlandaise.

"Bound As One" est un opener tout ce qu'il y'a de plus classique pour le groupe, mais il le fait très, très bien. Au passage, le groupe donne aussitôt une leçon à IRON MAIDEN en montrant comment on double proprement le chant par une guitare lead (oui, moi non plus je ne me suis toujours pas remis de la prod' dégueulasse de "Senjutsu"). En revanche, l'auditeur sera certainement plus surpris par ce "Prey" qui voit JAG PANZER renouer avec une agressivité prédatrice que l'on n'avait plus vu chez eux depuis "The Age Of Mastery" (1998 tout de même !). Il est très satisfaisant de voir que les Américains peuvent toujours botter des culs, eux qui s'étaient distingués à leurs débuts par un album ravageur, le bien nommé "Ample Destruction", qui prouvait à l'époque qu'il n'était pas nécessaire de jouer du Thrash pour péter des nuques. "Prey" est cependant une exception, qui nous rappelle le sens de "Power" dans l'acronyme USPM, puisque les autres morceaux resteront dans le moule habituel du groupe, ce mélange fin et équilibré entre rythmiques tenaces et mélodies remarquables.

JAG PANZER conserve un talent certain pour écrire des morceaux aux refrains accrocheurs, tel que ce "Onward We Toil", censé symboliser la puissance de l'union entre les animaux et les humains, et franchement ça fonctionne complètement. Voilà un titre qui saura galvaniser le public en live avec ce refrain aussi prenant (les chœurs sont magnifiques !). L'album parvient à éviter les baisses de régimes trop significatives, et déploie son récit sans véritables longueurs. Certains moments pourront avoir un petit air de déjà entendu, tel ce "Ties That Bind" qui n'aurait pas dépareillé sur "Thane To The Throne", mais il ne s'agit pas d'autocitation, juste l'expression d'un feeling et d'un savoir faire immuables.

Enregistré à l'ancienne, tout en analogique, au fameux Morrisound Studio bien connu du groupe et sous la houlette de Ken Mary (FIFTH ANGEL), "The Hallowed" saura satisfaire les amateurs d'un son chaleureux tout en étant précis, évitant l'aspect clinique de certaines productions Heavy. Les admirateurs d'Harry Conklin seront toujours ébahis par sa prestation. D'autant que ce dernier n'a franchement pas chomé ces dernières années, ayant enchaîné les albums avec The THREE TREMORS et SATAN'S HOST. Mais c'est bien avec JAG PANZER qu'il brille le plus, bénéficiant désormais d'une production qui met bien en avant sa voix, ce qui n'était pas le cas à une certaine époque. Le son de batterie est également excellent, très naturel, Rikard Stjernquist ayant pu s'enregistrer dans d'excellentes conditions, en utilisant un kit énorme. Le groupe a aussi l'avantage d'être désormais signé chez Atomic Fire, ce qui est plutôt pas mal vous en conviendrez.

"The Hallowed" est clairement supérieur à "The Deviant Chord". Si l'histoire qu'il raconte n'est pas spécialement originale ou surprenante, elle aura su insuffler beaucoup d'inspiration musicale. Un très bel album.