"Tiens, voilà encore qui un groupe qui plaît aux hordes de springbreakers américains décérébrés, ça ! Si c’est de la veine d’I PREVAIL ou CROWN THE EMPIRE, je vais me faire un malin plaisir de le démonter fissa de ma plume de musicien raté."
Voilà peu ou prou ce que je me suis dit avant d’entamer la discographie du combo. Malheureusement pour mes pulsions perverses vengeresses, "The Drug In Me Is You", premier méfait de FALLING IN REVERSE, m’avait plutôt séduit de par son joyeux souk et ses racines Punk Rock, solidement chevillées au corps. À peine deux années plus tard, des palettes de CD vendus et une forme de rédemption pour son leader entre-temps, voilà donc le groupe de retour avec "Fashionably Late".

Il faut dire que Ronnie Radke, grande gueule narcissique et mégalo devant l’éternel, a eu le temps de composer un paquet de chansons lorsqu’il moisissait derrière les barreaux pour une rixe ayant mal tourné, viré comme un malpropre de sa propre création ESCAPE THE FATE. La réserve étant pleine, un seul opus n’avait pas suffi à l’écluser proprement. Exit l’intermittent Mika Horiuchi à la basse, remplacé avantageusement par Ron Ficarro, qui envoie du bois de la première à la dernière minute de la galette ("Born To Lead", "Champion") : la formation est prête pour en découdre.

Très logiquement, "Fashionably Late" reprend la formule de son prédécesseur dans les grandes largeurs, poussant simplement tous les curseurs à bloc : riffs tranchants, refrains sucrés, surproduction et arrangements synthétiques, et passages plus marqués Hardcore pour donner le goût de l’interdit à la jeunesse perdue du Midwest. En revanche, là où "The Drug In Me Is You" humait le seum à plein nez de s’être fait éjecter salement, ce nouvel essai est bien plus léger et fun. Radke y assume d’ailleurs plus franchement sa passion pas totalement assumée pour l’Électro et le Hip-Hop, s’autorisant de régulières incursions rappées au milieu des morceaux.

Pour nos chers lecteurs qui découvriraient l’existence de FALLING IN REVERSE, on pourrait décrire leur musique comme une déclinaison bâtarde de The OFFSPRING ("Bad Girls Club", "Born To Lead") ayant subi moult mutations plus fâcheuses l’une que l’autre, altérant la bienséance en la matière. On y retrouve l’énergie et la science du chorus qui fait mouche, un chanteur plus que limité mais qui sait transmettre une forme d’authenticité naïve et sincère, quand bien même celle-ci serait de mauvais goût quand ce n’est pas franchement conservatrice.

Car oui, Ronnie Radke est très probablement un gros con, si vous me permettez. Un bon réac des familles avec en bonus un sévère pet au casque (ou une cervelle de surmulot, ce qui constitue également une possibilité). Le genre qui se croit plus intelligent que tout le monde et qui passe son temps à flatuler plus haut que son pif. Et c’est loin d’être le seul défaut de ce disque, qui est plutôt chargé en la matière.

Si la volonté de proposer plus qu’un ersatz des légendes de Skate Rock et d’y incorporer des sonorités urbaines voire contemporains est à saluer, force est de constater que cela ne fonctionne pas toujours / souvent (rayez la mention inutile). Les intermèdes rappés ("Self-Destruct Personality", "Champion") tombent à plat, et c’est bien la faute à Roro. Son flow pré-pubère pompé à EMINEM s’avère désespérément plat, acîadémique et sans intérêt. Quant aux arrangements tout droit sortis d’une Nintendo 64 ("Game Over") ou du Macumba night de Templeuve ("Alone"), le mieux aurait sans doute été de s’en passer, sincèrement. Non seulement cela n’apporte rien, mais c’est totalement contre-productif : difficile d’headbanguer quand on explose de rire, vous en conviendrez. Présenté comme cela, "Fashionably Late" ne donne pas franchement envie. Et pourtant…

Pourtant tout n’est pas à jeter, loin de là. Radke est du genre à balancer ses idées sur pistes, sans filtre ni décence, et à réfléchir après. Beaucoup sont mauvaises, mais le con n’est pas à l’abri de réussir son coup et d’y parvenir à l’occasion, c’est même à ça qu’on le reconnaît. Pour commencer, pris dans son ensemble, l’album est très riche. Riche d’influences, de reliefs, de surprises, de variétés (savoureux "Drifter" aux accents très Johnny Cash), d’arrangements, de ponts, d’instruments. Bref, riche.

En découle une écoute agréable d’un bout à l’autre, malgré les écueils ponctuels ici et là précédemment relevés. Je me répète sans doute, mais les refrains sont réussis, ultra-catchy ("Rolling Stone", "Where Have You Been") sans pour autant sombrer dans l’insupportable mièvrerie à laquelle les formations Metalcore ricaines modernes nous ont trop habitué. Et, cerise sur le cheese-cake, ça joue, et ça joue bien. J’ai eu l’occasion de vous vanter le talent de l’autre Ron à la basse, mais niveau guitares, il y a également de quoi prendre du Yabon pour les amateurs dans un genre qui en est habituellement tant dépourvu.

Malgré ses manques et incongruités, "Fashionably Late" dispose ainsi de qualités indéniables qui en font une œuvre sympathique, probablement éminemment plus sympathique que son géniteur.

Note réelle : 2,5/5 arrondi à la hausse.