En voilà une trajectoire sulfureuse que celle de Ronnie Radke, dont le casier judiciaire lui interdit à présent l’accès au Royaume-Uni. Non pas que le garçon me soit d’une quelconque sympathie, mais un frontman qui monte un groupe et écrit intégralement son premier album depuis la case zonzon titille indéniablement ma curiosité. Alors qu’il officie au sein d’ESCAPE THE FATE en 2008, le bougre se retrouve impliqué dans une altercation létale, un poing américain à la main. Même s’il ne fut pas l’auteur des coups mortels portés, ses précédents démêlés avec la justice l’envoient purger une peine de plus de deux ans derrière des barreaux rouillés dans le Nevada. Éjecté illico-presto par ses anciens comparses, l’homme ourdit sa revanche dans la frustration et décide de créer une nouvelle formation, initialement appelée avec à-propos FROM BEHIND THESE WALLS, avant de se voir rebaptiser FALLING IN REVERSE pour de sombres questions de droits. Il met à profit son incarcération pour contacter des musiciens de son réseau et composer quelques morceaux en prévision de sa sortie en 2010.

"The Drug In Me Is You" voit donc le jour en 2011, produit par la référence Michael "Elvis" Baskette, qui a notamment officié derrière la console pour des pointures telles que SLASH, SEVENDUST, ALTER BRIDGE ou LIMP BIZKIT. A l’instar d’un Mustaine viré sans ménagement par ses "amis" de METALLICA, Ronnie se montre particulièrement virulent vis-à-vis de ses anciens camarades, et son amertume transpire franchement de ses textes et des onze pistes de l’opus. De ses origines Emo-Core / Post Hardcore, Radke fait évoluer son écriture vers un univers plus Punk-rock à la SUM 41 ou BLINK 142, même si quelques traces subsistent de manière ponctuelle, quelques cris ici et là en particulier.

FALLING IN REVERSE évolue donc principalement sur un créneau assez classique, à base de riffs ultra-basiques et de gros refrains bien pop et fédérateurs ("Tragic Magic"), contrairement à ce que l’on aurait pu imaginer en connaissant le contexte dans lequel le disque a été conçu. Si l’on s’arrête à sa première impression tout au moins… L’opener et single "Raised By Wolves" est assez représentatif de ce que vous pourrez vous mettre sous la dent, même si le pont central montre quelques muscles inattendus. Il serait tout à fait possible d’écouter "The Drug In Me Is You" d’une oreille distraite, et de reléguer directement le combo dans la catégorie des seconds couteaux, sans que grand-monde ne puisse vous le reprocher.

Et pourtant… Pourtant, cet opus séminal est loin d’être dénué de tout intérêt, même s’il présente des défauts aussi gros que le bulletin n°1 de son leader. Pour commencer, si l’on dépasse les 88 miles/heure à la façon de Marty dans "Back To The Future 2", on s’apercevra que l’avenir du son de FALLING IN REVERSE est ailleurs. Sans verser jusqu’à une hasardeuse comparaison avec PANTERA, passant du Glam à son Groove iconique en l’espace de quelques années, la musique délivrée par la bande connaîtra une évolution significative, dont une partie des indices est disséminée dès cette cuvée 2011. Alors oui, les chorus ont été entendus mille fois, la voix de Ronnie est, au mieux, banale, et une certaine circonspection peut poindre assez rapidement, si l’on n’y prête gare, submergé par les aspects les plus catchy.

Toutefois, en tendant l’oreille, on notera sur chacune de ces compositions, un petit twist qui intrigue. Déjà, il est rare que des chansons Pop contiennent des soli aussi techniques, usant régulièrement de plans en tapping sans pour autant détonner véritablement de l’approche globale ("Good Girls Bad Guys", "Pick Up The Phone"). Et puis, il y a ce chant Hardcore qui se pointe à l’improviste, un peu comme votre pote Mich’ déboulant sur le pas de votre porte les mains chargées de bouteilles alors que vous pensiez pouvoir vous la couler douce dans votre canapé devant Netflix. Et Mich’, ben quand il se pointe, il ne fait pas le voyage pour rien. Enfin, de gros toffees de Metalcore, en mode Breakdowns bien brutaux viennent parachever l’œuvre, et apporter une certaine confusion dans l’esprit de l’auditeur attentif.

"Don’t Mess With Ouija Boards" représente à elle-seule de façon peut-être plus démonstrative le spectre couvert par Ronnie et sa clique. Difficile de savoir s’ils n’ont pas osé aller au bout de leurs idées, s’ils ont été timides dans leur approche ou s’ils cherchaient justement à glisser quelques variations sur un créneau bien mainstream. Plus les écoutes défilent, plus l’on a du mal à véritablement positionner "The Drug In Me Is You" sur l’échiquier Metal. Multiface, le skeud n’en reste pas moins déstabilisant, contenant des éléments ouvertement pop comme des passages franchement Deathcore ("Goodbye Graceful"), ces derniers s’exprimant de façon de plus en plus affirmée sur la seconde partie de la galette.

Inégal, inconstant, gentil foutoir à l’époque qualifié de Hardcore Pop, ce premier album n’est clairement pas abouti. Il parvient néanmoins à surprendre plutôt positivement, d’autant qu’il est parfaitement réalisé et fait étalage d’une maîtrise technique tout à fait respectable. Le Circus show à trois temps de "Caught Like A Fly" illustre à merveille ce que FALLING IN REVERSE nous propose ici, pour le meilleur et pour le pire.

Note réelle : 3,5/5.