Ch’uis content ! Ch’uis vraiment content parce que si il y a bien un truc que je n’attendais plus ces dernières années de la part du combo powero-gothico-à-chanteuse grec ELYSION, c’était bien leur dernier album ! Arrivé jeune bébé Kroniqueur sur NIME, je m’étais en effet rapidement attelé à examiner l’art musical en pente douce et agréablement sucré déployé par ces sympathiques instrumentistes et leur belle égérie méditerranéenne à la voix douce-amère œuvrant dans un genre assez dangereux en termes de mémoire collective, car traînant dans le sillage d’un EVANESCENCE, d’un WITHIN TEMPTATION ou autres LACUNA COIL. Pourquoi ce terme de dangereux questionnes-tu logiquement ô lecteur perspicace ? Tout simplement parce que nous sommes ici dans un genre clairement assumé où les riffs, même pilonnants, ne sont pas forcément là pour tabasser mais plutôt pour enrober l’émotion de mélodies (parfois) doucereuses émise par une ligne de piano très consensuelle ou la voix haut-perchée d’une frontwoman pleine de mascara et de soie noire… Ici le Metal piquant que nous chérissons sur NIME est plus souvent un moyen qu’une fin !

Et pourtant… et pourtant ! Tout en sachant que le gras file du bide et que les colorants ne sont pas super bons pour la santé, je me suis naguère pourtant aventuré dans ces contrées verdoyantes aux fleurs arc-en-ciel dont les couleurs sucrées font vite oublier le flyer touristique tout plein de gothique blafard comme de désespoir d’opérette… J’ai frissonné aux rythmiques démonte-pneus soutenues par des arrangements classiques larmoyants, j’ai éructé de bonheur à l’écoute des vocalises lancinantes émises par une femme-enfant affirmant être au bord du suicide, bref j’ai bu jusqu’à la lie ces ondes positivement négatives… Mais l’émotion du moment est une chose ; le choc frontal avec des compos originales et de qualité destinées à perdurer en est une autre ! Bref, je suis passé à autre chose.

Cependant, à l’image de l’ancien cocaïnomane repenti, j’abrite toujours cette petite plaie lisérée de soie et de glucose couleur sang à proximité du cœur : raison pour laquelle je suis d’un regard (bienveillant) quelques formations issues de ce courant comme les Hellènes d’ELYSION. Entraînés par l’élan d’émotion pubéro-adolescente de la lame de fond provoquée par le Gang US d’Amy Lee ou celui des Bataves réunis derrière la belle Sharon Den Adel, les Grecs poussent leur cri initial en 2009 avec un "Silent Scr3am" qui, s'il ne révolutionne pas le genre, montre néanmoins que le combo ne mise pas tout sur les seules formes avenantes de la donzelle Christiana Hatzimihali mais connaît très honorablement son sujet, en tous cas suffisamment pour commencer à se faire une jolie réputation. C’est en 2014 qu’ELYSION réédite son hold-up avec le second chapitre illustré par une couverture au parti-pris qui fait cligner des yeux mais dont le contenu reste très fréquentable : "Someplace Better" voit ainsi la reconnaissance de ce Metal Gothico-punchy made in Greece et de sa jolie chanteuse dont la voix ne laisse personne indifférent… Et puis, alors que l’on pense que cette belle ascension mérite amplement un chapitre trois que… Plus rien !

Certes, comme tout un chacun en ce joli printemps 2020, le combo se retrouve à devoir se tremper les fesses dans la bassine entre ses quatre murs pour simuler la plage et surtout éviter une popularité virussante… Nos power-gothico méditerranéens commencent alors à lâcher sur leur réseau social quelques bribes d’espoir destinés à leurs fans sur l’enregistrement hypothétique du troisième album. Mais mois après mois, les saisons s’égrainent et force est de constater qu’à part quelques jolies photos de groupe très conventionnelles ou cadrant le meilleur profil de la belle Christiana… rien n’avance !
C’est donc (presque) à la surprise générale que se pointe enfin cet invité inattendu le 17 mars 2023 accompagné pour l’occasion d’une campagne de com’ musclée et dithyrambique comme il faut. C’est un ELYSION vendu comme plus mature, aux influences fortement travaillées qui revient sur le devant de la scène. Présentant un line-up légèrement remanié (Andreas "AR" Roufagalas à la basse et Ilias P. "Laitsman" Laitsas – derrière les fûts), la formation qui n’a finalement que deux opus derrière elle, est néanmoins dépeinte comme un poids lourd du circuit revenant d’un long pèlerinage mystique tibétain avec une musique plus sombre, plus riche, plus forte, plus nature… Bref, les superlatifs s’enchaînent en laissant espérer le meilleur.

Ce "Bring Out Your Dead" était donc déjà attendu de pied ferme puis annoncé comme un condensé de ce que le groupe avait composé de meilleur durant ces neuf années muettes… Chef d’œuvre en perspective ou vile rodomontade commerciale ?
À l’image d’une illustration de couverture alliant la noirceur zombiesque du sang à la féminité toujours attirante de sa frontwoman, ELYSION n’a pas viré sa cuti pour basculer sur du Disco boule à facettes ou de la Pop guimauvesque façon barbe-à-papa ! Sa signature musicale est bien présente, voire même légèrement plus aiguisée côté guitares avec une prédilection marquée pour les lignes rythmiques compressées et de fait mises en avant. Pièce indéniablement travaillée, "Bring Out Your Dead" s’avère également bien rythmé, et par conséquent réellement entraînant : Que l’on aime ou pas le style des Athéniens, il faut leur reconnaître cette volonté de proposer une setlist accrocheuse tant par son cadencement que par ses mélodies. Sous cet angle, le combo prouve une certaine maturité et affiche ses ambitions ! En termes de performance, l’organe vocal de la ravissante cantatrice fournit une prestation irréprochable : voix expressive comme il faut, puissante au besoin, millimétriquement éraillée dans les aigus… Tout y est ou presque ; j’y reviendrai d’ailleurs plus loin.

Si vous ajoutez à tout cela une production soignée, des claviers accompagnant sans être hégémoniques ainsi qu’une bonne musicalité globale où l’on ne se fout pas de l’auditeur, on a presque envie d’enlacer la créature qui pleure du sang sur la couverture pour fêter ça ! Cette belle envie d’en découdre est d’ailleurs parfaitement rendue au travers de pièces comme la très chouette balade aussi burnée que mélodique représentée par "Buried Alive" avec son inéluctable montée en puissance assise sur une ligne mélodique limite obsédante mais aussi dans l’ouverture abrasive à la rythmique cisaillante sur laquelle "Blink Of An Eye" lance (très) énergiquement l’album… ou encore sur un final comme "Eternity" dont le bridge décapant puis les vocalises langoureuses de Christiana laissent clairement un ch’tit goût de reviens-y !

- Mais alors, qu’est-ce qui bloque mon Général ?
- Oh, rien de bien méchant Trooper ! Mais il faut bien reconnaître que sur le reste de "Bring Out Your Dead" nos hoplites revenus du Tibet ont une tendance avérée à renfiler leurs chaussons préférés ! Mélodies (outrageusement) consensuelles, structures fichtrement similaires d’une piste à l’autre (intro bourrine, couplet minimaliste avec voix qui-n’en-veut, pont qui monte en puissance sur un refrain court et énergique, bridge avec solo en option, fin !) ou encore petites séquences d’arpèges proprets qui cassent ponctuellement le rythme… ELYSION nous aligne ici des compos aux dynamiques assez téléguidées pour emprunter au final des chemins clairement balisés, même si ce parcours est opéré avec un talent certain. Même constat un chouïa mitigé pour une diva qui place parfaitement sa voix et s’autorise même, à l’image des titres d’ouverture puis de clôture, quelques extras qu’on appréciera d’autant plus que se sont les seuls ! On est ici face à une prestation qui demeure scrupuleusement dans les clous alors que la donzelle possède clairement des capacités lui autorisant plus de dérapages contrôlés : un petit grain de sauvagerie et de folie qui me manquent pour cette galette (trop) minutieusement dosée !
L’entraînant mais très formaté "Raid The Universe" et la triplette qui s’en suit en seconde partie d’album ("This Time", "Brand New Me" et "Blue Seasons") même s'ils ne frisent pas l’insignifiance, m’ont tout de même clairement montré les limites du modèle propulsé ici par ELYSION : l’attrait immédiat de la piste en cours d’écoute s’effaçant immédiatement dès l’intro suivante...

Malgré ses dix années de gestation, "Bring Out Your Dead" s’inscrit ainsi dans la droite lignée de ses prédécesseurs avec, il est vrai, quelques bonnes surprises, mais restant sous de très nombreux aspects, trop sage et diablement standardisé. Quoi qu’en dise la com’ officielle de Napalm Records, les amateurs d’exotisme débridé devront aller faire leurs courses ailleurs ! Les fans de toujours seront quant à eux rassurés et heureux de retrouver le ELYSION qu’ils attendaient depuis 2014.

Étant enfin parvenu à trouver la bonne tombe dans ce petit cimetière perdu entre deux crêtes abruptes plongeant dans la mer Égée, j’allume avec difficulté une petite bougie dont la flamme vacillante m’aidera à faire monter mes prières vers les Dieux du Metal. La fine terre grecque recouvrant la petite tombe de la diva étant encore fraîche, j’y trace un joli 3/5 pour ce "Bring Out Your Dead" qui, tout en étant un album de bonne facture, s’est peut être trop fait attendre pour ne pas décevoir… Mais j’entends quelque chose qui gratte…

- pour l’efficacité absolue : "Buried Alive".
- pour l’ouverture boostée : "Blink Of An Eye".
- pour la petite dose d’originalité : "Eternity".