Cinq albums en huit ans ne fait pas de vous un boulimique, et cela même si vous avez près de soixante balais et que le style que vous pratiquez est aussi (re)connu par les fans de Death old school que le pif au milieu de la joue droite par les amateurs de Pop hollywoodien accros aux chirurgies. Vous voyez l'image ? Ouais, ben on va retomber dans la guerre vite fait, si vous permettez…

"Rise To Power". Assez ironique quand même, quand on lit ce titre du point de vue des musiciens. Sont-ils enfin arrivés au sommet, au pouvoir, après leur pèlerinage entamé en 2015 ? Pour Karl Willets, ce chemin de croix inversée (la croix, pas le chemin) a débuté bien longtemps avant cela, vous le savez. Alors ? Le Death à la BOLT THROWER aurait-il enfin atteint son apogée, chapitre 2, soit le revival MEMORIAM empestant la poudre à canon et la nostalgie des millions de morts entassés dans le vide-tout le plus embarrassé de notre mémoire ? Stoppons-là les effusions d'anthropologie et les analyses musicales bidon, disons simplement que ce cinquième skeud des Anglais est leur meilleur. Le plus abouti, le plus réfléchi. Pas le plus long, pas le plus excité, pas le plus surprenant. Le mieux équilibré.

"Rise..." ne plaira pas toujours aux aficionados de cavalcades enflammées auxquelles Martin Kairns nous a habitués avec BT, car MEMORIAM, s'il n'arrache pas ses racines de déchiqueteur, prend son temps pour assoir ses ambiances – "Total War" mis à part – et empeser ses messages. Des tirades certes classiques, qui déstabilisent autant que la pluie un jour de grisaille sur le champ de bataille, mais des mots, des expressions, un lexique qu'on se farcit sans maugréer quelques fois par année. Faut aimer la guerre et ses clichés, mes amis, faut apprécier la brutalité mélodieuse qui s'en dégage et dont Willets et sa bande se font les historiens.

Ne sombrez pas dans une dissertation sur les maigres traits particuliers de "Rise..." par rapport à "The Silent Vigil" ou "To The End", vous risqueriez de passer à côté des riffs les plus intenses de la galette. Saisissez tout bonnement le truc et croquez dedans en vous imaginant affalés devant une fresque dépeignant les plus absurdes affrontements meurtriers du XXIème siècle. Car, comme le clame le quartette, il ne faut pas oublier. Et grâce à eux, on peut faire périodiquement son devoir de MEMORIAM en replongeant dans la noire et violente créativité issue du milieu ouvrier britannique. Un peu de suie dans le suif, ça suffit parfois à sustenter le plus gros enfoiré… Et là, je ne parle pas des critiques qui détestent MEMORIAM parce qu'ils croyaient qu'il réinventerait la roue. Qu'ils aillent se faire foutre ceux-là !

Les éléments à cocher sur la liste de bons coups de ce "Rise To Power" sont sans contredit son interprétation sans faille, sa simplicité (oui, oui, c'est ici une qualité) et son potentiel de réécoutes supérieur aux quatre très efficaces efforts précédents. Je le considère plus homogène et un brin plus accrocheur. Comme quoi, c'est pas parce qu'on est vieux qu'on devient imbécilement gâteux ! Et si le secret le mieux gardé de MEMORIAM était plutôt le gratteux Fairfax, plus jeune membre et type le plus occupé du band ? Certes, son jeu ne supplante pas le groove majestueux qui grondait des cordes de Ward, Thomson et Bench, mais les décharges qu'il envoie en compagnie de Frank Healy sur la majorité des morceaux de "Rise" nous réconfortent et nous font sourire. Car avant toute autre considération, le plaisir doit primer. Et en 2023, ça rue solide, de quoi nous faire croire que les Anglos ne déposeront pas les armes avant au moins une autre ronde dans les tranchées.

MEMORIAM le fossoyeur ne manque pas de verve et d'arguments pour nous acheter. Qu'on s'en souvienne… et longtemps.

Podium : (or) "Total War", (argent) "Never Forget, Never Again (6 Million Dead)", (bronze) "Rise To Power".

Indice de violence : 3/5.