Je plaide coupable. Je suis très longtemps passé à côté de la musique de BLACK RAIN, le groupe étant souvent présenté par les médias français comme notre MÖTLEY CRÜE national (ce groupe n'étant pas forcément un gage de qualité, il faut bien le reconnaitre), fer de lance d'une mouvance glam/sleaze "made in France" s'illustrant souvent plus par l'originalité de ses tenues que par la pertinence de ses compositions. Mea Culpa, donc. Car si BLACK RAIN soigne les apparences sur son septième album, le groupe (dont les origines haut-savoyardes sont aujourd'hui disséminées jusqu'en Scandinavie) ne néglige en aucun cas le fond. "Untamed" est un nouveau chapitre porteur de diversité et d'innovation de la part d'un groupe qui se fait ici autant savoureux que surprenant. "Nous avons tout envoyé cher et nous nous sommes dit que nous allions utiliser de nouveaux sons, essayer des trucs et nous faire plaisir", déclare le chanteur du groupe, Swan. Jamais tout envoyer chier n'aura été aussi constructif !

Les influences Glam, toujours présentes, sont ici des ponctuations plus que les bases de la musique de BLACK RAIN. Ce nouvel album est Hard Rock avant tout ("Dawn of Hell", avec sa talk-box, évoque un BON JOVI sous stéroïdes), Heavy par moments (le solo final du tube "Kiss The Sky"), et alterne les ambiances pour jongler ainsi entre les styles sans que cet amalgame ne paraisse à aucun moment forcé ou peu naturel. Cette cohésion est garantie par la production au cordeau, à la fois moderne et puissante, de Johannes Braun, chanteur de KISSIN' DYNAMITE et par ailleurs producteur désormais bien établi, qui met parfaitement en valeur le chant et la section instrumentale, notamment les guitares lead qui sont particulièrement bluffantes. Tous les solos sont en effet de petites histoires à part entière, qui renforcent indéniablement la richesse et l'impact des morceaux. Celui du moderne et musclé "Neon Drift" par exemple, est une petite pépite. A la manière d'un Jens Ludwig (EDGUY), Max 2 propose une progression mélodique et une construction de solo à la fois virtuose et flamboyante, mais surtout, et c'est bien là l'essentiel, toujours accrocheuse. Ce large espace d'expression laissé à la guitare lead est une des principales forces de cet album.

S'il semble admis par beaucoup que Johannes Braun a réussi l'exploit de donner à BLACK RAIN un meilleur son que le célèbre Jack Douglas, il ne faut pas pour autant amoindrir le tour de force réalisé par le groupe qui livre ici 12 titres particulièrement inspirés. Cette tendance à être en permanence sur le fil entre Hard Rock et Heavy Metal lui permet justement de proposer des titres ambitieux, qui parviennent à la fois à se faire immédiats et profonds, se faisant de plus en plus percutants au fil des écoutes. Passé le direct et très Sleaze "Untamed" qui ouvre l'album, c'est à travers un univers généreux en riffs percutants et en mélodies savoureuses que BLACK RAIN nous emmène en voyage. Si les exemples sont nombreux, il suffit de chercher du côté de "Kiss The Sky" pour comprendre où le groupe veut en venir. Un riff "sale", un chant à la limite de la rupture à certains moments (c'est ce qui fait sa force), des chœurs généreux et surtout des mélodies flamboyantes, véritables "vers d'oreille", donnent à ce morceau un petit goût d'éternité. "Dawn Of Hell", qui n'est pas loin de l'univers Hard Rock contemporain déployé par KISSIN' DYNAMITE, enfonce le clou, tout comme "All The Darkness", plus convenu dans la structure, mais résolument savoureux dans l'interprétation (les mélodies des couplets sont de grande classe).

L'ensemble porté par une belle dose de second degré, constitue un album imparable. Que ce soit le clip de "Demon", enregistré dans le local de répétitions et en compagnie d'une partie du casting de la sitcom "Hélène et les Garçons"), le déjanté "Summer Jesus", résolument Rock dans l'esprit, prétexte à une intéressante performance vocale de Swann, BLACK RAIN renvoie l'image d'un groupe accompli, suffisamment sûr de ses appuis pour oser et surprendre. Il faut dire que, même dans ses tréfonds, "Untamed" séduit encore, le groupe dégainant par exemple avec "Shut Down", placé en fin d'album, une de ses meilleures cartouches, quel luxe ! Finalement, à l'exception du moins intéressant "Set The World On Fire", et dans une moindre mesure de "Summer Jesus" qui s'épuise assez rapidement et de la fausse ballade finale "The End" qui séduit essentiellement grâce à la force de son refrain, il n'y a que de bonnes choses sur cet "Untamed" qui semble prendre le bon chemin pour s'imposer comme l'album de référence de la formation.

Franchement, quel pied ! Avec son septième album, BLACK RAIN se remet gentiment en question, et parvient, à l'image de CRASHDÏET plus tôt dans l'année, à proposer un album qui puise dans ses racines Hard Rock la force de frapper plus fort et de voir plus grand. Il y en a pour tout le monde sur "Untamed", et les amateurs de virtuosité y trouveront autant leur compte que les auditeurs à la recherche d'efficacité. Un grand album de la part des Français qui, décidément, font oublier leur bien étriqué statut de "MÖTLEY CRÜE français". BLACK RAIN est tellement plus que cela !