Il y a des titres d'albums qui font se demander "pourquoi ?". Celui du quatrième album studio de NOCTURNAL GRAVES, "An Outlaw's Stand", est de ceux-là. On comprend bien l'idée : les trois musiciens, désormais rejoints au micro par R. Prain, bassiste de DENOUNCEMENT PYRE, voient leur dernier longue-durée comme un exemple de résistance de la part de hors-la-loi qu'ils sont censés incarner. Sauf que le Blackened Thrash/Death que joue la formation de Melbourne est si fidèle aux canons du genre établis de longue date par leurs compatriotes sur cette même scène Blackened Thrash/Death qu'on se demande bien quelle infraction NOCTURNAL GRAVES a commis, et envers quel code ? S'il s'agit seulement du Code du Bon Goût Musical, là encore, il ne l'enfreint guère, car ce nouvel opus n'a, a priori, rien de bien offensant…

Partant de là, il paraît difficile de qualifier "An Outlaw's Stand" d'autre chose que de sage, de prime abord. Surtout par rapport à ses aînés dans la discographie du combo, en particulier "From The Bloodline Of Cain" et "Satan's Cross". Le soufre qui entourait la musique de NOCTURNAL GRAVES a disparu avec le piètre "Titan" et n'a toujours pas reparu. Du moins pas totalement. Ce qui empêche de prendre le groupe autant au sérieux qu'il y a une dizaine d'années. Non pas que sa musique ne soit pas solide et n'ait pas retrouvé une certaine accroche, non, mais plus grand-chose, pas même l'énergie et la rage déployées, ne distingue le groupe dans le style qu'il pratique. Les riffs sont de retour, certes, mais ils ne dépareillent guère de ce que l'on a pu entendre par le passé, chez eux et ailleurs. Difficile d'en retenir un en particulier, aux premières écoutes.

Aussi, pour apprécier un tant soit peu ce disque, il faut savoir mettre de côté les riffs - tâche fort ardue dans un sous-genre de Metal qui s'arc-boute dessus - pour prendre en compte d'autres éléments de la musique. En particulier les atmosphères et les soli de guitare. Ces deux éléments de la recette NOCTURNAL GRAVES sauvent littéralement "An Outlaw's Stand" de l'anonymat et de la pauvre étoile solitaire qui le guettait en fin de chronique. Car côté leads, bon sang, Shrapnel et Decaylust se sont foutrement sortis les doigts du fion sur ce disque ! Leurs éclairs solistes sur "Ruthless Fight" et surtout "Across The Acheron" et "Beyond The Flesh", où les gaillards ne semblent pouvoir s'arrêter, possédés par le démon du shred, ont l'effet d'aiguillons électriques. Conscient de cet atout, NOCTURNAL GRAVES n'hésite pas à mettre les deux gratteux en première ligne dès l'initial "Death To Pigs", ce qui donne à ce morceau un caractère certain.

Ainsi sortis de notre léthargie, qui promettait pourtant de résister aux vifs tempi de nouveau pratiqués par le groupe après un "Titan" majoritairement mid-tempo, l'on se retrouve à apprécier davantage cet album au fil des écoutes. Et quand ce ne sont pas les soli échevelés de Shrapnel qui rendent les morceaux plus notables, ce sont les atmosphères que je citais plus haut, souvent sombres et tendues, comme sur "Command For Conflict", le plus lent et pesant "No Mercy For Weakness" et, dans une moindre mesure, le morceau-titre. Fort de ces deux armes - les mains d'or de Shrapnel et les ambiances sournoises déployées çà et là - les morceaux les plus archétypaux du style NOCTURNAL GRAVES prennent une toute autre ampleur. Mention spéciale à "Law Of The Blade", au riff très efficace, cette fois, et réminiscent de ce qui faisait le sel de "From The Bloodline Of Cain".

Ainsi, si "An Outlaw's Stand" ne fait pas réellement honneur à son titre, il relève sérieusement la barre par rapport à l'innommable "Titan" et replace NOCTURNAL GRAVES dans la hiérarchie sans cesse bousculée du Blackened Thrash/Death australien. Un petit miracle qui n'est toutefois pas arrivé par hasard, l'embauche de Prain ayant permis de décharger J.R. d'une partie de sa tâche de vocaliste et de permettre à celui qui compose en grande partie les morceaux du groupe d'être plus concentré sur ses autres fonctions, production, mastering et mixage compris. Derrière la console, d'ailleurs, le bonhomme a fait un très bon travail, permettant à chaque instrument de faire entendre sa voix, basse incluse même si celle-ci reste légèrement en retrait. Aussi "sage" soit-il par rapport aux débuts du groupe, "An Outlaw's Stand" n'a finalement à rougir que devant "From The Bloodline Of Cain" car "Satan's Cross" ne conserve sa prééminence qu'en vertu de la fougue caractéristique des débuts d'un groupe.