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JETHRO TULL - The Zealot Gene (2022)
Par DARK BEAGLE le 27 Février 2022          Consultée 2344 fois

JETHRO TULL n’aura pas sorti d’album depuis 2003 et un disque de Noël pour le moins surprenant. Ensuite, c’est plus ou moins le flou. Martin Barre avait déclaré en 2015 qu’il n’y aurait plus d’albums de cette entité, mais qu’il y aurait le Ian ANDERSON BAND et le Martin BARRE BAND, les deux basant la plupart de leurs shows sur du matériel du TULL. De son côté, le troubadour Ian continue à utiliser le site officiel de son groupe d’origine pour faire la promotion de ses albums solo – dont un déroutant "Thick As A Brick 2" sorti sous son nom propre, une hérésie pour beaucoup. La reformation scénique de cette légende du Rock en 2017 se fera sans Martin Barre. Je ne sais pas ce qui s’est passé entre les deux hommes mais leur collaboration semble belle et bien enterrée. Puis Anderson annonce à la surprise générale un nouvel album de JETHRO TULL, disque qui sera retardé pour cause de pandémie. Et "The Zealot Gene" débarque en ce début d’année 2022, avec sa pochette pour le moins étrange.

En effet, nous voyons le buste de Ian Anderson. L’homme a vieilli, ses rides lui donnent un air sévère et peu avenant. Une partie du visage est dans l’ombre ; derrière la lumière met en évidence une série de textes, ou plutôt des mots dont certains ressortent, comme « Christ », « Zealot », « Horsemen » ou encore « Sepulchre ». La seconde moitié de son visage est dans la lumière et se détache de l’obscurité. N’essayez pas de voir une espèce de Yin et de Yang, Anderson ne s’en est pas inspiré pour ce disque, mais cherchez plutôt du côté de la Bible. "The Zealot Gene" peut être pris comme un concept-album, mais il faudrait plutôt y voir une ligne directrice ; Anderson s’est inspiré de certains passages de la Bible pour étoffer ses textes, qui racontent des petites histoires qui n’ont pas forcément de liens entre elles. D’ailleurs le personnage le scande à qui veut bien l’entendre : il est hors de question de faire du prosélytisme ici, lui-même n’étant pas forcément croyant.

Ici, le Rock de JETHRO TULL se veut plutôt Folk dans l’esprit. Les musiciens qui accompagnent Ian Anderson sont ceux de son projet solo. La frontière entre les deux est pour ainsi dire mince, s’il y en a eu une un jour, JETHRO TULL ayant eu plusieurs vies, ayant touché à plusieurs styles. Ils n’ont d’ailleurs pas participé à l’écriture du disque, tout a été pris en charge par le Ménestrel dont la flûte virevolte tout du long. Forcément, il est légitime de se demander à quelle sauce nous allons être mangés et surtout, de quoi était capable le TULL dans cette formation hybride, pour ne pas dire bâtarde. Autant dire que, personnellement, je n’en attendais rien de particulier, échaudé par "The Quest", le dernier album de YES.

Aussi, "The Zealot Gene" s’avère être une surprise. Plus bonne que mauvaise d’ailleurs, même si le disque est loin d’être parfait. La première satisfaction provient de la voix d’Anderson. Là, il convient de remercier la magie des studios, qui font du Disney à ce niveau. En effet, Ian, en live, ce n’est vraiment plus ça, au point où il devient un poids dès qu’il s’empare du micro tant sa puissance vocale s’est fanée avec le temps. Ici, il retrouve son rôle de trouvère avec une certaine malice dans la voix. Il déclame ses textes, offrant une théâtralité aux compositions où sa meilleure alliée reste sa flûte, qui est omniprésente. Après réflexion, le second point fort de l’album est qu’il ne contient que des chansons assez courtes pour une durée de trois quarts d’heure. Essayer de pondre des compositions longues aurait pu être une tentation, y céder n’aurait pas été l’assurance d’arriver à écrire quelque chose de concret (une stérilité que l’on a pu constater sur le dernier YES, par exemple).

Bien qu’à tendance Folk, "The Zealot Gene" n’oublie pas les racines Rock de JETHRO TULL. Celui-ci est bien présent, sans être des plus remuants. Surtout dans la première partie de l’album, où la guitare de Florian Opahle se fait le plus entendre, au travers un jeu d’accompagnement en intelligence avec les claviers – un brin déroutants parce que parfois très ’80 dans l’idée – ou lors d’interventions plus franches, plus marquées, qui viennent apporter un peu de piquant à l’ensemble. Hop hop hop, ne commencez pas à démonter votre salon, j’ai dit « un peu de piquant », pas « un truc qui rocke façon "Locomotive Breath" ». "Mrs Tibbets", qui ouvre le bal, illustre assez bien cela. Il s’agit déjà du morceau le plus long de l’album, celui qui permet le plus de développement. La flûte d’Anderson est guillerette, la guitare reste à l’affût, tandis que rythmiquement, cela suit bien et offre une bonne assise à l’ensemble. La partie instrumentale montre une jolie intensité et il convient de bien en profiter, parce que ces moments seront rares !

Prenons "Jacob’s Tale" justement, par commodité parce que c’est le second titre. Nous changeons d’ambiance, elle se veut bien plus Folk et cette fois-ci, c’est un harmonica qui mène le bal. Mais dans ce genre d’approche, ce premier rendez-vous est un raté, il y a un manque de souffle assez agaçant que l’on ne retrouve pas sur tous les morceaux de ce genre. "Sad City Sisters" est une petite merveille et "Where Did Saturday Go?" mérite que l’on se penche dessus. Anderson développe un côté plus intimiste qui colle plutôt bien à ce disque, qui s’achève de façon plutôt calme sans que cela soit gênant. Ici, pas de grandiloquence, pas d’éruption, pas de petites explosions comme pouvait proposer le TULL le long de carrière bien remplie. L’électricité est présente, mais elle n’est pas un prétexte pour faire parler la poudre et un équilibre se crée, s’installe confortablement et devient par moments un peu paresseux. Anderson use de ficelles un peu trop grosses par moments.

En effet, une fois que l’on a compris comment il a axé ses compositions, en se reposant énormément sur sa flûte et un chant un brin ampoulé qui nous donne l’impression qu’il nous raconte une histoire, "The Zealot Gene" devient assez prévisible dans son ensemble. Anderson semble se reposer sur ses lauriers par instants et si la magie opère dans une bonne partie des cas, elle n’est pas celle qui fait le plus rêver. Nous sommes face à un vieil homme qui peine à renouveler ses tours et qui attire toujours du monde parce que son nom – ou celui de sa troupe – est depuis longtemps entré dans la légende. Cela n’empêche pas cet opus de posséder de véritables bons moments, cela n’empêche personne de se laisser prendre au jeu, ou pas. "The Zealot Gene" offre tout de même plus d’intérêt que "The Quest" de YES, la comparaison étant inévitable vu la longévité des deux formations de Rock Progressif, qui sont revenus sur le devant de la scène à peu d’intervalle.

Difficile de statuer sur ce qu’est réellement ce disque : un véritable album du TULL ou un essai solo de Ian Anderson ? Cela fait longtemps que les frontières ont été balayées tant elles étaient minces, mais le retour discographique de JETHRO TULL est un plaisir pour les vieux fans. Il n’est pas aussi bon qu’on pouvait l’espérer, mais il s’en tire toutefois plutôt bien, il n’y a rien de vraiment déshonorant dessus. Il convient juste de ne pas placer de trop grandes espérances, "The Zealot Gene" n’est pas un nouveau "Aqualung", encore moins un second "Thick As A Brick" (je vous le confesse : ma plus grosse crainte était qu’Anderson se mette en tête d’en faire un "Part III" pour fêter les cinquante ans de ce monument du Prog), il s’agit « seulement » d’un disque honnête, qui fait le job, sans trop déborder des lignes et c’est sur ce point-là qu’il y aurait peut-être eu quelque chose à faire, pour apporter un peu plus de variété à l’ensemble.

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- Ian Anderson (chant, flûte, guitare, mandoline, harmonica)
- Florian Opahle (guitare)
- David Goodier (basse)
- Scott Hammond (batterie)
- John O'hara (claviers, accordéon)
- Joe Parrish-james (guitare sur 11)


1. Mrs Tibbets
2. Jacob's Tale
3. Mine Is The Mountain
4. The Zealot Gene
5. Shoshana Sleeping
6. Sad City Sisters
7. Barren Beth, Wild Desert John
8. The Betrayal Of Joshua Kynde
9. Where Did Saturday Go ?
10. Three Loves, Three
11. In Brief Visitation
12. The Fisherman Of Ephesus



             



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