Revenir d'entre les morts sans que personne ne s'y attende et décocher en guise d'album de la résurrection une petite grenade à fragmentation vous expose forcément à la vigilance des observateurs lorsque vous vous apprêtez à sortir un nouveau longue-durée. C'est le lot de WOMBBATH en cette année 2018, lorsque sort "The Great Desolation", troisième L.P. de la carrière du groupe. Avec une toute nouvelle formation, réunie autour de l'inamovible stèle qu'est Håkan Stuvemark et du nécromancien du Death Metal qu'est Jonny Pettersson, WOMBBATH se présente désormais officiellement sous forme de quintette.

Et le groupe ne déjoue pas les attentes placées en lui car "The Great Desolation" est un album de qualité. Même s'il souffre légèrement de la comparaison avec son aîné, "Downfall Rising". Premièrement, il n'est pas aussi concis puisqu'il excède de plus de cinq minutes la durée de ce dernier, affichant 37'28 au compteur. Deuxièmement, comme le niveau des morceaux de ce troisième L.P. n'est pas aussi homogène que ceux du précédent longue-durée, "The Great Desolation" ne présente pas la même rejouabilité, comme l'on dirait de lui s'il s'agissait d'un jeu vidéo. Troisièmement, l'apport des invités, qui offrait un coup de boost à "Downfall Rising", est ici bien plus faible.

En effet, si l'ultime "Harvester Of Sin" donne des envies de headbanging, c'est plutôt par son côté rentre-dedans et par son riff simple mais direct que par la contribution vocale du jeune Thomas Clifford, au growl certes solide mais plutôt passe-partout et qui n'est pas particulièrement mis en valeur par son duo avec Pettersson. Quant à l'assez standard "Cold Steel Salvation", il tire meilleur parti du solo de guitare du gratteux américain Joey Conception, qui vient appuyer l'aspect Heavy Metal de son cœur mid-tempo, mais comme le titre est loin d'être l'un des plus réussis de l'album, on n'en garde pas grand chose en mémoire.

Ces deux morceaux-là, bien que s'intégrant correctement au disque, démontrent cependant le côté inégal de "The Great Desolation". Parce qu'à côté d'eux, WOMBBATH place quand même quelques petites rafales de phalanges bien senties, alternées avec quelques coups de semelle appuyés. Exemple avec l'excellent morceau-titre, dont le riff principal, tout en tremolo picking et aux intonations médiévales, vient apporter une couleur inédite au Death Metal du groupe. Ledit riff offre à cette composition majoritairement mid-tempo et assez Heavy aussi un petit goût de reviens-y et fait de "The Great Desolation" l'un des meilleurs moments du disque. Et au rayon "couleurs médiévales", le plus vif "Punisher Of Broken Hearts" se pose là également avec le riff que nous balance WOMBBATH sur le refrain.

Ces deux titres, parmi les meilleurs de l'album, ne sont peut-être pas aussi bien ficelés que ne l'est "The Weakest Flesh", dont le tempo moyen et le riff de départ, d'apparence anodine, ne fait que nous emmener vers un refrain sur lequel Jonny Pettersson réveille morts et vivants en appelant au "sacrifice des plus faibles". Là où l'on constate que ce troisième album studio de WOMBBATH est dans la droite lignée du précédent, c'est par la propension du combo à sublimer le mid-tempo. Car ce sont bien les passages les moins vifs qui permettent aux Suédois de donner toute son épaisseur à un titre comme le réussi "Hail The Obscene", le très varié "Born Of Filth" et l'encore plus lent et dramatique "Footsteps Of Armageddon".

Alors, bien entendu, quand il s'agit de débouler à toute berzingue dans les esgourdes de l'auditeur, WOMBBATH n'est pas en reste pour autant. J'en veux pour preuve l'archi classique mais efficace morceau de pur Death suédois qu'est "Embrace Death" et le déjà cité "Harvester Of Sin". Mais comme il l'avait prouvé sur l'inattendu "Downfall Rising", c'est lorsqu'il ralentit le tempo et qu'il joue la carte d'une pesanteur presque Doom, parfois, que WOMBBATH fait la différence. Et si "The Great Desolation" paraît un cran en-dessous de son prédécesseur, c'est juste parce qu'il va un peu moins au bout des choses, et notamment de ces ambiances lourdes qui ne sont pas aussi prononcées ici.

Reste qu'avec "The Great Desolation", WOMBBATH prouve qu'il n'est pas revenu pour le plaisir de tirer parti du revival Swedeath mais pour se faire plaisir avant tout, avec une proposition musicale certes enfin en phase avec sa nationalité, mais surtout plus prenante que ce à quoi il nous avait habitué au début des années 1990. De fait, WOMBBATH est un groupe qui paraît bien plus à l'aise dans son époque au beau milieu de la décennie 2010 que vingt ans plus tôt. Comme le dit l'adage, tout vient à point à qui sait attendre. Je ne sais pas comment traduire ça en suédois, mais nul doute qu'Håkan Stuvemark en a fait sa devise.