Poussez-vous ! Shamaya est en colère et elle est prête à en découdre !
Selon elle avec ce "Kult 45" vous allez manger sec. Autant musicalement, puisqu'elle le rapproche de "Sevas Tra" pour le côté "brut" des compos (et en les comparant avec celles "Generation Doom" c'est plutôt vrai), que politiquement…

Je ne vous apprends rien en vous disant que Shamaya a toujours plus ou moins tenu des discours politisés. Ici je crois qu'on bat tous les records : ce skeud est un concentré de bile craché à la face de l'Amérique. Sont abordés en vrac divers sujets tels que l'élection et la politique de Trump, l'égalité des sexes, les fusillades dans les écoles, le nationalisme, le capitalisme, la rébellion et même les états d'âmes de la chanteuse.

Mais ce n'est pas tout ! Le groupe a une démarche intéressante sur ce skeud, parce qu'il tient à ce que son message soit entendu par le plus de monde possible. Il est alors allé se rapprocher de différents styles musicaux (en gardant quand même une base Metal) pour atteindre son but. Dit comme ça, ça peut ne pas être très inspirant, mais je vous rassure, dans l'esprit on est carrément plus proche de la Fusion à la RAGE AGAINST THE MACHINE que de l'ajout d'éléments radiophoniques à la tambouille de base.

Le premier titre confirme complètement cette idée ! Même pas la peine de le décrire, laissez passer le sample de discours hitlérien (il me semble) qu'est "Hail To The Thief" et écoutez par vous-même ! Cette rythmique bondissante, ces chœurs agressifs scandés, ces riffs à la Morello bourrés d'effets, cette basse massive qui soutient le tout, ce chant rappé de Shamaya, ce break… On dirait du RATM pur jus mais avec le gros son d'OTEP. Tu m'étonnes que ça fonctionne ! Dans le même style on trouve un peu plus loin "Shelter In Place" mais qui se différencie quand même du titre cité précédemment de par ses influences Neo qui se ressentent plus. "To The Gallows" est intéressant également car musicalement on s'éloigne beaucoup de RATM, on est plus dans une sorte de Neo-Groove propre à OTEP ou COAL CHAMBER, mais ce sont les lignes de chant et intonations de Shamaya qui le rapproche aussi de la bande à Zack par moments (entre deux growls). Idem pour "Invisible People" qui malgré ses gros riffs Neo pourrait être rapproché de RATM pour la façon dont est parfois rappé le chant. Mais j'aurais peut-être dû commencer, par parler de "Wake Up", la reprise de vous-savez-qui qui conclut la galette, pour vous convaincre… On aurait économisé un paragraphe…

Enfin bref… On a aussi évoqué "Sevas Tra" comme faisant partie des influences reconnaissables de ce skeud. Et ben c'est vrai et c'est plutôt une bonne nouvelle ! Des titres comme "Molotov", "Said The Snake" et son ambiance glauque (ça fait du bien ce retour aux sources), "Trigger Warning" même si ce morceau possède un son bien actuel, ou encore "Cross Contamination", nous renvoient direct en 2002. Et ce même si on sent bien que cet album a été produit en 2018.

Je vous ai aussi rapidement dit que OTEP est allé s'aventurer du côté d'autres styles musicaux. C'est vrai aussi ! Alors c'est pas complètement nouveau comme démarche (cf "Generation Doom") mais disons que leur concept a été poussé un peu plus loin et mieux maîtrisé que sur leur précédent skeud. Sur un "Undeafeated" (qui arrive malheureusement de façon un peu incongrue au milieu du reste) on est par exemple sur de la Trap avec un chant bien Gangsta et une instru' oppressante qui te fait ressentir toute la tension du ghetto. Des guitares viennent même s'inclure, étonnamment bien au milieu de tout ça, sur le final. "Boss" est un peu dans le même esprit, mais peut-être avec un petit côté DIE ANTWOORD que l'autre titre n'avait pas. C'est d'ailleurs sur ce titre que Shamaya m'a bluffé avec son flow ! Vraiment par moments elle prend des accents de Iggy AZALEA qui sont assez impressionnants. Bon toujours en étant très loin du débit d'Iggy mais c'est pas mal quand même ! En tout cas ça sert très bien son discours féministe.

Et puis on a des trucs moins réussis comme "Sirens Calling", que je ne sais pas si je dois prendre pour un interlude chelou ou pour un morceau, encore plus chelou dans ce cas. Clairement ce titre ne sert à rien sur l'album. C'est un peu le même constat pour "Be Brave" mais là je l'associe plus à une sorte de ballade dépressive au piano façon LANA DEL REY. Disons que ce morceau est typiquement dans le concept de cet album d'OTEP mais il ne m'accroche pas du tout, surtout enclavé entre des bombes Neo ou RATM-iennes.
Bilan plutôt positif pour ce nouvel album de la bande à Shamaya. Pour peu que vous ayez besoin de vous révolter contre quelque chose en ce moment, OTEP vous offre un catalogue de sujets d'actualités polémiques, sur fond de gros riffs qui font headbanguer, de rythmiques qui font jumper et de sonorités plus exotiques aux oreilles des metalleux. Le seul bémol c'est que cet album est trop long. Aucun morceau ne sort donc véritablement du lot, même s'ils sont tous, dans l'ensemble, de très bonne qualité, il n'y a pas assez de place pour qu'il y en ait un qui se démarque vraiment. Mais globalement l'expérience se révèle très agréable. Qu'ils continuent sur cette lancée et n'hésitent pas à poursuivre leurs expérimentations voire à les pousser plus loin, je serai curieuse d'écouter le résultat.

3,5/5 arrondi à 3/5.