Une chape de plomb qui te tombe au coin de la gueule… Un coup de barre à mine derrière la nuque… Un cocktail Molotov balancé en pleine poire. Si je devais qualifier par un seul mot "Sevas Tra" (anagramme d'Art Saves), ce serait sans conteste : surpuissant. Tout est fait pour aller dans ce sens : des vocalises haineuses de la demoiselle Otep Shamaya à la production anxiogène de Terry Date, "Sevas Tra" est un disque qui se veut puissant et dévastateur.

Et il l’est dans les deux cas. Parfois trop. A force de surenchère, il finit par lasser. La force sonore dont il fait preuve est aussi très symptomatique d’une génération de groupes actuels : on mise tout sur la forme et sur le gros son. Sauf qu’OTEP arrive à tirer son épingle du jeu. Le groupe n'oublie pas de travailler le fond et a une démarche jusqu’au-boutiste : paroles, artwork, vocalises… rien n’est laissé au hasard. Alors si on peut sourire face à la colère très adolescente de l’ensemble, force est de constater qu'il fonctionne parfaitement bien et peut se vanter d’installer une ambiance. Tourmenté, hostile, parfois flippant, mais véritable exutoire, "Sevas Tra" s’impose comme une version féminine de KORN (pour l’ambiance torturée) et de SLIPKNOT (pour le côté plus brutal et l'influence du Death). Mais au-delà de sa grosse production et de ses influences, il est maitrisé de bout en bout et fait franchement mouche à plusieurs reprises. Qui n’a pas furieusement envie de se casser les cervicales à l’écoute de "Blood Pigs", "Possession", ou face à l’urgence de "Battle Ready" ?

Et les munitions ne manquent pas : la formation balance l’artillerie lourde avec un savoir-faire qui fait plaisir à entendre : les guitares sont grasses, les rythmiques dévastatrices et la performance charismatique de la demoiselle est plus qu'appréciable. On regrettera cependant l’utilisation d’un filtre sur ses vocaux hurlés, ce qui a pour effet de les masculiniser à outrance. Un choix franchement discutable, je préfère nettement une nana qui gueule avec sa voix de femme, même si ça envoie moins, qu’une nana qui tente de singer ses comparses masculins. Une faute de goût qui entache quelque peu le reste de sa prestation : autoritaire et schizophrène, la blondinette est tout autant capable de cracher les mots avec le débit d’une mitraillette que d’instaurer un climat de poisse et de dégoût profond. Tout ces éléments mis bout à bout rendent l’ambiance globale asphyxiante. Si les titres les plus efficaces libèrent toutefois une bonne dose d’adrénaline, la souffrance prend parfois une apparence plus vicieuse et rampante, tel un serpent qui se glisserait discrètement dans vos draps en pleine nuit. La cadence ralentit alors sur de courts instants ("Battle Ready" ou "Menocide") ou s’étire en longueur comme sur "Jonestown Tea", un déluge de sensations vertigineuses. Pendant 12 minutes, il nous fait passer par tous les états : désespoir, rancœur, haine, folie…une incontestable réussite.

Si l’expression des émotions est parfois mal contenue et excessive, la qualité de ce "Sevas Tra" fait plaisir à entendre dans une scène néo en pleine crise. Et bien qu'il s’avère parfois lassant (trop de colère tue la colère) et ne peut pas se targuer de révolutionner le genre, la maîtrise et le soin apportés à tous les éléments procurent un plaisir d’écoute certain. Un vrai bonbon d’adrénaline à effet immédiat. Faut juste faire attention de ne pas en abuser pour éviter l’écœurement.

Note réelle : 3,5/5